N° 7 – MARS 2018

Nous allons évoquer ce soir notre système de protection sociale, la réforme de l’accès aux soins, préoccupation de nombreux pays européens.

En France, un système exceptionnel avec une large couverture des risques, maladie, maternité, chômage, accident du travail existe grâce à notre Sécurité Sociale. Prochaine discussion au gouvernement pour la réforme de l’accès aux soins : meilleure organisation des praticiens, gestion du personnel, coûts des soins, remboursements, fonctionnement de l’hôpital. Ces questions à venir dans les discussions d’une réforme vont-elles dans le sens d’une meilleure protection pour tous ?

Histoire : l’état providence est une vieille histoire. 1 – Les précurseurs, Bismarck, Keynes, Elisabeth 1ère, Hobbes qui en 1651 déclare « un jour, une république devra être fondée sur la protection du citoyen et la réduction de tous les risques qui pèsent sur les citoyens ». 2 – La Révolution proclame les principes de liberté et d’égalité mais elle ne construira pas les droits pour créer cette égalité entre les citoyens. 3 – Loi 1905 : la fonction protectrice doit avoir pour but de passer de l’état protecteur (liberté civile) à l’état providence qui vise à substituer à l’incertitude de la protection religieuse, la certitude de la protection étatique (protection civile + protection sociale). 4 – Mouvements sociaux, luttes syndicales ont été nombreux pour obtenir plus de protection et d’avancées sociales. 5 – Libération, 1945 : C.N.R – Le Conseil National de la Résistance crée la Sécu… – et Ambroise Croizat, Ministre « Une nouvelle sécurité est née de la terrible épreuve de la guerre. L’état devient l’agent libérateur de la société ».

Principe fondateur de la Sécurité Sociale : solidarité portée par le travail qui produit de la richesse, soit gains, revenus sur lesquels sont prélevées les cotisations qui forment le budget de la Sécurité Sociale. Quatre piliers : maladie y compris maternité, invalidité et décès, accidents du travail et maladies professionnelles, retraites, familles. Ce modèle social a évolué grâce aux combats des citoyens ou par les urnes.

Aujourd’hui. Dans l’opinion, doute, questionnement, incertitude sur le maintien des protections. Les syndicats sont moins opérationnels et perdent des adhérents. Plus d’individualisme qui entraîne un laminage des capacités collectives pour aller vers des compromis, pour favoriser le dialogue social. La mondialisation ultra-rapide des échanges, la construction de l’Europe, le défi de la concurrence internationale font qu’on cherche à maximiser les capacités de production des entreprises qui deviennent leadership de l’économie au détriment de l’état. Etat à qui on reproche la dette, le déficit et qu’on justifie par l’excès de dépenses sociales, de dépenses publiques, qui sont des freins à la concurrence. Et donc décisions logiques pour lutter contre ces freins : restrictions des lois Travail, baisse des salaires, diminution des charges sociales … Notre système de protection a largement changé son mode de fonctionnement : tâches individualisées, mobilité, chômage, travail partiel, contrats précaires qui dégradent la solidarité.

L’état est-il encore en capacité de protection ? On a cru que la liberté du marché entraînait la liberté individuelle ce qui crée une ambigüité dans les esprits et fonde l’opinion publique. Un risque nouveau lié à la démographie et au vieillissement de la population : on envisage la création d’un 5ème pilier, pour répondre à la dépendance. L’opinion publique doute sur les capacités de l’état à conserver la protection telle que nous la connaissons. Pourquoi ? Jusqu’aux années 90, la protection a été maintenue. Depuis, processus de démolition de la protection sociale : suppression du contrôle des prix, baisse des droits sociaux, baisse des remboursements pour que ce soient les patients ou les mutuelles qui prennent le relais, affaiblissement des services publics, retrait de l’état des entreprise publiques, suppression des prérogatives de l’état, moins d’intervention dans le privé. C’est un discours qui pénètre les esprits, c’est une stratégie : fabriquer un état d’esprit de soumission, de résignation du plus grand nombre, en diabolisant certaines couches de la société telles que les chômeurs, les vieux, les fonctionnaires pour faire accepter moins de protection sociale. L’opinion est ainsi fabriquée pour penser qu’il y a trop d’assistanat, trop de fonctionnaires, trop de privilèges pour certains, trop d’impôts, que les réfugiés coûtent cher, qu’ils sont un danger et que les services publics fonctionnent mal …

Lutter contre l’opinion publique, contre les préjugés n’est pas facile mais il faut essayer. Chercher, réfléchir, lire pour se faire sa propre opinion.