N° 02 – INFO DU MOIS – OCTOBRE 2016

Sujet très important en Europe : la vague du populisme. Même en Allemagne surgissement d’un parti populiste qui a gagné des élections – à voir détail –anti-européen et antimusulman Mais bien d’autres pays : Hongrie, interdiction de journaux d’opposition – Pologne, Jaroslaw Kaczynski chef du parti conservateur Droit et Justice : tentative d’interdire l’avortement – Autriche le nationaliste Norbert Hofer, chef du parti FPÖ – Grèce avec un parti néo nazi Aube doré – Suède, Finlande, Danemark avec une percée importante du nationalisme. Angleterre : à la tête du pro-Brexit un parti national socialiste radical xénophobe et europhobe, le Ukip et dont le dirigeant, Nigel Farage, dès le lendemain du vote a démissionné. France le FN qui a déstabilisé les 2 partis républicains et qui menace d’être 2ème aux élections présidentielles. Etats Unis le célèbre Trump qui ébranle même les leaders de son parti qui le lâchent les uns après les autres. Quelques chiffres : score des partis de cette droite populiste et radicale hors élections présidentiels : Norvège : 16,3% – Suède : 12.9% – Finlande : 17.6% – Danemark : 21.1% – Lettonie : 16.6% – Lituanie : 7.4% – Russie : 11.7% – Pologne : 37.7% – Allemagne : 4.7% – Pays Bas : 10.1% – Angleterre : 12.6% Autriche – 20.6% – Suisse : 29.4% – France : 27.9 % – Hongrie : 20.2% – Roumanie : 14% -Serbie : 8.1% – Espagne et Portugal ne sont qu’à 1 à 2%. (Peut-être ont-ils la mémoire moins courte ?)

L’existence d’une union européenne des extrêmes-droites est assez difficile car il y a de grandes divergences entre les partis, certains sont seulement europhobes ou antimusulmans. Le FN est tout à la fois ce qui fait sa force. Marine Le Pen a formé un groupe de nationalistes et d’europhobes, le groupe « Europe des Nations et des Libertés »avec la Ligue du Nord d’Italie + les Partis de la Liberté d’Autriche et des Pays-Bas + la Nouvelle droite de Pologne (+ un membre de Belgique et un du Royaume-Uni).

Quelle est l’histoire de ce populisme à travers l’Europe ? Qu’est- ce que le populisme : une vielle histoire, un conflit d’idées entre grecs et romains, né d’une bataille de mots : le mot « peuple » objet d’une bataille entre hellénistes et latinistes. Les Hellénistes : nous sommes le peuple « démos » (démocratie), les romains : « le peuple c’est nous », populus soit le peuple identifié (déjà dans la recherche identitaire). Donc conflit sémantique. Mais le populisme est l’ancêtre de la démocratie : en Russie, au début du 19ème siècle, des jeunes gens contestent le système politique qui est le tsarisme ; Tolstoï est dans ce mouvement. Aux USA au 19ème siècle également, mouvement de contestation, les « Grangers », mouvement qui veut prendre en compte le progrès, la vie nouvelle. Ces partis disparaissent là où le marxisme s’implante, parti qui s’appuie sur le peuple. Aux USA, à la place de ces partis naît le parti démocrate. En France fin 19ème siècle, parti du Général Boulanger qui adopte une forme de pouvoir anti républicain. Années 60, Pierre Poujade militant antisémite à la tête d’une cinquantaine de députés dont l’un d’entre eux est JM LE Pen. Ces partis dé-complexifient les choses, désignent les ennemis, riches, élus, experts, étrangers, juifs, musulmans, noirs, gay, pauvres, finance. Ne supportent pas la diversité de la société. Leur but, faire apparaitre un individu type qui sera nationaliste et rien d’autre. « Les pauvres sont des fainéants » donc sont à combattre – des formules simplistes, naïves mais inquiétantes et qui touchent aux libertés individuelles et collectives. Doublement grave pour la démocratie.
Quels rapports avec la démocratie ? La démocratie s’oppose à l’oligarchie, aux pouvoirs d’un seul grâce aux élus, aux lois avec le concours des citoyens, des corps intermédiaires. Mais quand on vote des lois et qu’elles ne sont pas exécutées, quand il y a échec c’est là que le populisme entre dans les failles du système démocratique en contestant les personnes qui sont responsables ainsi que le système lui-même. La démocratie qui ne répond pas aux aspirations populaires engendre le populisme.

Pour combler les failles afin de contrer le populisme et faire vivre la démocratie : pratiquer l’éthique, être respectueux de la société civile, respecter l’indépendance des juges, être fier des valeurs que l’on veut défendre comme l’égalité, pratiquer l’assiduité quand on est élu, être heureux de la performance des entreprises, pratiquer la justice fiscale, être soucieux du niveau de l’éducation des jeunes et des citoyens, pratiquer la participation civique. Si le populisme ne parvient pas à ses fins il peut devenir violent.

Le populisme est marqué à droite mais pas seulement – voir à gauche Podémos qui se revendique populiste. Jean Luc Mélenchon qui se réclame du populisme. Mais différences entre gauche et droite. Le point commun c’est d’en appeler au peuple mais la différence c’est sur la notion de peuple démos, (toute la population) et ethnos (qui qualifie le peuple selon la couleur de sa peau, ses origines). Pour Mélenchon le peuple c’est « le tiers état » soit le peuple qui souffre. Pour Marine Le Pen, c’est le peuple identifié, un individu type. La notion de peuple est bien différenciée. Identité ethno culturelle de la nation pour Le Pen, qui reste raciste et anti sémite malgré les efforts pour s’en affranchir. A droite, le populisme disqualifie les adversaires, nie la pluralité. Les partis traditionnels et surtout de droite regardent vers les populistes pour tenter de récupérer des voix des électeurs en particulier le LR. Et surtout Sarkozy Et malgré les dangers la droite n’hésite pas à chercher ces voix : « Je suis le porte-parole du peuple »dit Nicolas Sarkozy idem Jean Marie Le Pen mot pour mot. L’idéal démocratique c’est que le peuple soit le plus actif possible donc rien d’étonnant à ce que les populistes se réclament comme les représentants du peuple et critiquent la démocratie participative car ils ne supportent pas le partage du pouvoir. Ils mettent dans les têtes que les citoyens seront mieux représentés par un chef qu’ils auront élu, qu’ils aiment et qui les aime. Ils sont aidés en cela par la 5ème république et même par De Gaulle, lien direct entre l’homme providentiel qu’il est et le peuple. Lien étroit entre un homme et un peuple qui sert à justifier ses positions. Crise de confiance, usure du pouvoir (c’est toujours les mêmes), contexte sécuritaire anxiogène, manque de perspectives professionnelles, personnel politique non renouvelé, pas de diversité dans les élus qui devraient représenter la diversité de la société. Tels sont les ingrédients qui nourrissent le populisme.

Le populisme c’est notre histoire ; Nous sommes des râleurs, qui aimons la politique même si nous rejetons les politiques. Cela dure depuis 250 ans et depuis tout ce temps, la France a risqué de se défaire devant les coups du populisme. La rupture du peuple et des élites qui enracine le populisme existait déjà à la Révolution. En 1789, appel au peuple par le mouvement du jacobinisme avec un réquisitoire contre les élites, contre les privilèges (Robespierre) et tout ce vocabulaire attaquait la puissance de l’argent, l’état mais aussi les étrangers présents sur le territoire. Le Général Boulanger (1837-1891) porté au pouvoir par des républicains dont beaucoup de gauche, suspicieux envers la démocratie, anti clérical qui assène des discours belliqueux appréciés des nationalistes. Crise des années 30, perte de confiance et un nouveau parti, les Croix de feu, parti républicain autoritaire dans la critique des élus. 1945, une démocratie libérale mais des écrivains, des leaders politiques en croisade populiste : Maurras, monarchiste qui crée l’Action française, qui collabore avec nazis et Vichy et qui est condamné. L’esprit public, revue et mouvement fondés en 1960 par des intellectuels de droite et nationalistes, unis par leur hostilité au gaullisme, pour défendre l’Algérie française et la création de l’OAS. Professeur Lejeune : mouvement contre l’avortement. Jean-Louis Tixier-Vignancour, personnalité d’extrême-droite, avocat du général putschiste Raoul Salan lors des procès de l’OAS. La Nouvelle Droite d’Alain de Benoist, groupe d’études et de recherches pour la civilisation européenne. 1974, Monseigneur Lefebvre qui rompt avec le Vatican et veut reformer l’alliance entre trône et autel. 1978, le Figaro magazine qui dit être à droite de la droite. 2004, Patrick Buisson qui crée le journal d’extrême droite Minute. 2015, la Manif pour tous contre Christiane Taubira et qui trouve des soutiens chez les catholiques. Le Printemps français jugé trop réac par la Manif pour Tous. Années 80, le parti chrétien démocrate de Christine Boutin. Un autre mouvement 2015 : Sens commun qui soutient François Fillon. Le polémiste Eric Zemmour (le suicide français). L’association des Familles françaises chrétiennes qui a ouvert un institut ouvertement nationale populiste.

Depuis 2008, la droite parlementaire, politique, populiste à travers Nicolas Sarkozy s’est orienté vers la dimension religieuse et a pris ses aises avec la laïcité. Elle cherche à focaliser l’opinion sur la définition d’une identité nationale et place le croyant ainsi que le porteur de la parole, le prêtre, au-dessus de la parole du professeur (discours de Latran) La Manif pour tous à structuré les chrétiens qui sont aujourd’hui courtisés par la droite républicaine. Pourtant les catholiques étaient contre le FN mais aujourd’hui ils sont très courtisés par le FN. Rapprochement catholique et extrême droite possible parce que les milieux catholiques ont accepté certaines contrevaleurs dans une position négative, contre les musulmans par exemple.
Recherche de l’identité dans toute l’Europe, recherche de frontières nationales bien fermées. C’est ce qui rapproche droite et extrême droite : rejet de l’immigration, rejet de Schengen, révision de l’identité nationale, plus de sécurité, plus de contrôle, contre l’islam jugé anti-culturel, contre notre culture, contre la citoyenneté. Alors qu’aujourd’hui pour être citoyen on n’a pas besoin de dire qu’on est noir, juif, musulman, chinois, homme, femme …. Mais que va-t-il se passer à l’avenir ? Les populistes rejettent notre système démocratique car en appeler au peuple comme ils le font c’est mettre un homme en face du peuple qui sera un protecteur et le garant d’une pensée unique. En Hongrie une directive : il faut changer la façon dont pensent les gens, il faut enseigner la pensée unique du dirigeant dans les universités, dans la tête de tous les étudiants et de tous les gens.

Depuis 2008, situation de mal vivre. Les jeunes sont plongés dans cette situation depuis des années. Il n’y a jamais eu autant de pauvreté. Les mouvements populistes se développent dans ces moments de crise, et prolifèrent sur tout ce qui ne tourne plus bien. Il faut remonter à Reagan, ultra libéral, qui a dépossédé l’état de certaines prérogatives, privatiser au maximum et supprimer tous les services publics. Et cette impulsion vers le libéralisme s’est propagée comme en Angleterre avec Tchatcher qui a fait comme Reagan : services publics devenus services privés, suppression de la parole aux syndicats. La lutte des classes du 19ème siècle renaît.

Le thatchérisme s’est propagé dans toute l’Europe et le libéralisme a conquis toute l’Europe. Où est la démocratie quand les lois européennes qui sont imposées aux pays sont votées par des représentants non élus ? Et quand un traité qui a été refusé en France par référendum est quand même signé par Sarkozy où est la démocratie ? Et à nos prochaines élections quelles perspectives, quels programmes, quels projets ? Il faudrait un projet non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe. Une vraie démocratie en France et en Europe. Commencer à comprendre dans quelle situation difficile nous sommes, faire appel à la raison, ne pas répondre, ne pas voter en fonction de nos émotions et de notre opinion. Passer de l’opinion au jugement et à la conviction. Changer de point de vue, éventuellement, en se fondant sur des valeurs.

Louis Françoise