INFO N° 5 – MARS 2014

UKRAINE – Une révolution pour combattre la corruption, aller vers un régime plus démocratique, se libérer du joug de la Russie et se rapprocher de l’Europe. Après de nombreux morts sur la Place Maïdan, fuite du président IANOUKOVICH abandonné par une partie de l’armée et de ses proches. Il se rend en Russie où POUTINE lui accorde un soutien mitigé. Constitution d’un nouveau gouvernement avec un calendrier pour des élections présidentielles en mai. Colère de POUTINE. Réaction diplomatique de l’Europe. Réaction ferme des USA. Pour POUTINE, après l’apothéose des JO de Sotchi, la fuite du président ukrainien qu’il soutenait est un camouflet, d’où sa colère. D’autant plus que c’est la seconde fois, même fuite du même président il y a 10 ans suite à la Révolution Orange. Comment va se traduire sa colère ? Plusieurs hypothèses : – Pousser à la division du pays entre est et ouest, deux régions très différentes, langues, culture … – Chercher la séparation de la Crimée de l’Ukraine, c’est déjà entamé. La Crimée est l’accès à la mer pour les Russes qui y possèdent des bases navales considérables. C’est stratégiquement impossible d’abandonner la Crimée. – Envahir les territoires ukrainiens comme Prague ou la Géorgie toujours occupée. – Couper l’approvisionnement en gaz. – Déclencher une guerre. Toutes ces hypothèses interrogent et inquiètent les USA et l’Europe. L’Europe qui était favorable à un rapprochement ne peut pas laisser tomber l’Ukraine maintenant. Economiquement pouvons-nous laisser le pays sombrer ? Le besoin est de 35 milliards d’Euros, l’Europe annonce une aide de 11 milliards. L’Europe et les USA ont demandé à la Banque Mondiale et au Fond Monétaire International d’intervenir mais dans ce cas, les contraintes exigées seraient trop lourdes pour l’Ukraine qui ne pourrait s’y plier. Quel soutien les Européens peuvent t’ils apporter aux forces démocratiques ? Pour le fonctionnement, les institutions, l’organisation de la démocratie, c’est un défi adressé à l’Europe. Poutine a la crainte fondamentale et justifiée de voir l’Ukraine réussir et ainsi donner l’exemple aux autres pays comme la Géorgie, la Moldavie par exemple. L’Europe a une responsabilité morale et politique à répondre à ces pays en recherche de démocratie avant que Poutine ne les écrase. Autre défi pour l’Europe : les soulèvements populaires ne sont pas tous homogènes, de même culture. Les ultra nationalistes dans la révolution représentent une force puissante, seule force politique et structurée en Ukraine et ils ne manqueront pas d’appeler à une dictature sous leur joug. La situation économique de la Russie n’est pas bonne, et suite aux évènements, s’aggrave encore avec une baisse très importante des valeurs russes. Poutine ne peut qu’hésiter sur une escalade militaire. Les USA soutiennent énergiquement l’Ukraine et annoncent des sanctions. On peut espérer des concessions sans que ce soit une défaite pour Poutine, la Crimée étant l’enjeu.
Le Grand Marché Transatlantique – Entre la fin du 19ème siècle et les années 50, deux conceptions du monde se rejoignent, celle de John Davison ROCKEFELLER (1839-1937), grand capitaliste des Etats-Unis qui dit en 1899 « Quelque chose doit remplacer le gouvernement et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire » et celle de Jean MONNET (1888-1979) un des principaux fondateurs de l’Union Européenne, qui énonce en 1945 « L’ennemi c’est la nation. Unir les Européens c’est-à-dire les pays européens par un grand marché, voilà ce qu’il faut construire ». Depuis longtemps cette idée de grand marché s’inscrit dans l’histoire des choix politiques. Des grandes institutions sont crées, grands régulateurs qui gèrent ce que géraient les états et qui cherchent à démanteler l’état social construit grâce aux grands réformes initiées par le CNR. Ainsi la Banque Mondiale en 1945 et le Fond Monétaire International en 1944 pour venir en aide aux pays en difficulté, sous forme de prêts, mais qui depuis, ont assujetti leurs aides à la soumission politique : engagement de production, contraintes politiques, économies sur le social, et mise en place à partir des années 50 des programmes structurels d’ajustement qui établissent les règles de l’aide possible. Il s’agit d’un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d’autres sur les structures et qui résultent d’une négociation entre un pays endetté et le FMI pour modifier le fonctionnement économique du pays et conditionner l’aide à la mise en place de réformes. En 1992, mise en place de l’Organisation Mondiale du Commerce qui regroupe 152 pays et qui élimine tous les obstacles, juridiques, techniques, administratifs, politiques pour favoriser la liberté des marchés. En 2005, c’est l’Europe des 28 pays unis par des règles qui fixent le cap politique et les conditions à respecter pour bénéficier d’un marché d’échanges totalement libre des biens, des services, de la main-d’œuvre. Par contre de grands institutions créées dans un but social, culturel, de régulation telles que l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Organisation Mondiale du Travail, ont gardé leurs spécificités.
Comment en est-on arrivé à ce GMT qui touche à la santé, à l’éducation, à l’environnement, au travail ? C’est à la suite de négociations engagées depuis de nombreuses années :
1990 : Déclaration transatlantique signée par Les USA et l’Union européenne ; elle inscrit un mutuel renoncement à une Europe qui ne soit qu’européenne. Ouverture aux pays de l’Est.
1995 : Sommet USA/Europe pour la signature d’un nouvel agenda transatlantique qui vise à promouvoir un grand marché transatlantique.
1998 : Signature d’un Partenariat Economique Transatlantique qui vise à intensifier les relations économiques entre les deux puissances et à développer un système commercial mondial. Montage de l’AMI – Accord Multilatéral Investissements – mais il est abandonné en octobre 1998 grâce à l’opposition de Lionel JOSPIN.
2007 : Création d’un Conseil Economique Transatlantique regroupant les gouvernements des USA et de l’Europe.
2009 : Le Parlement européen vote une Résolution sur les Relations Transatlantiques qui appelle à la construction d’un marché intégré à l’horizon 2015.
2011 : Création du Groupe d’Experts USA/UE qui préconise le démarrage des négociations entre les USA et l’Europe.
Depuis 2007, les Américains s’étaient quelque peu retirés du processus pour ne considérer que le G2, soit l’alliance USA-Chine. Leur idée était de lancer l’Europe tout en se rapprochant des Chinois, persuadés que la Chine allait gouverner le monde. Mais en 2008, la crise, faillite de Lehmann Brothers et les USA découvrent en même temps que la Chine avait élaboré un plan baptisé « Programme à moyen et long terme pour le développement des sciences et des technologies » pour être en 2020 le centre de l’innovation et en 2050 le leader mondial de l’innovation. D ans le même temps, sur le plan monétaire, la Chine prétend faire du Yuan une monnaie internationale dans 10 ans, cela par un accord avec les pays émergents et le Japon (Accord Chine-Japon en 2011). Les Américains abandonnent alors leur stratégie de rapprochement avec la Chine et poussent à la création du Trans-Pacifique Partenariat, (TPP) traité secret multilatéral de libre-échange qui vise à intégrer les économies de la région Asie-Pacifique et dont les objectifs étaient à partir de 2006 d’éliminer 90% des barrières douanières entre les pays membres, de parvenir à un accord de libre échange pour les produits agricoles et industriels, d’avoir un système de réglementation qui permette aux PME américaines d’exercer sans entraves dans la zone couverte par le TPP, et enfin de veiller dans le domaine des nouvelles technologies, à ce que les entreprises publiques soient en concurrence équitable avec le secteur privé. Cet accord est directement une réponse faite à la Chine qui se voulait le numéro 1. Le Japon revient vers les USA
Parallèlement, les USA relancent l’Accord de Libre Echange Transatlantique (DMT) sur lequel l’Europe se rassemble. Quels sont ses axes d’action : – Abaisser les barrières douanières et les barrières tarifaires (Droits de douane, taxes et impôts). – Abaisser les barrières non-tarifaires, législation, normes sociales, sanitaires, environnementales. Ces deux actions s’attachent à tout, produits et services. – Inscrire un préambule qui énonce les valeurs communes entre Europe et USA, sanitaires, environnementales, culturelles alors que l’on sait bien qu’il n’y a rien de commun, entre la conception des USA et celle de l’Europe sur l’état, les rapports à la religion, le système judiciaire, le droit du travail, la peine de mort, la culture (Convention UNESCO, exception culturelle), commerce des armes, rôle des institutions internationales.
Quelles sont les ambitions affichées :
Article 10 : élimination de tous les droits de douane. Produits textiles et agriculture par exemple. Pour de nombreux pays, c’est une catastrophe en terme économique, sanitaire, social, environnemental.
Article 15 : libéralisation des services, santé, éducation, transports. C’est une catastrophe sociale, sanitaire.
Article 22 : libéralisation des investissements, ne pas toucher à leurs revenus. De ce fait, quelle sécurité, quelle protection, quelle politique industrielle ? Il n’y aura plus de lutte pour la protection climatique, tous les gouvernements et les institutions devront protéger tous les investissements, leur donner tous les droits juridiques. C’est nous interdire de gérer nos territoires (gaz de shistes). Sont en cause nos mesures sanitaires, nos règlementations techniques, nos règlementations sur la santé, les produits chimiques, la recherche, l’information.
Conséquences : avant on partageait le savoir et après on en faisait une propriété privée. (Brevets). Maintenant on va vendre des savoirs sans aucune sécurité. Les pays pauvres qui ne peuvent se payer les médicaments d’origine utilisent les génériques, demain ils seront interdits.
Cet accord entre les gouvernements des Etats Unis et de l’Europe recueille des réticences, des amendements par le Parlement européen mais la Commission européenne ne s’oppose pas. En France, toutes les forces politiques sont pour cet accord mais des ministres de la majorité manifestent quand même leur opposition : – MONTEBOURG, PEILLON, MARTIN – leurs doutes question travail, éducation, environnement. Pour tempérer les craintes, au niveau de l’Europe, BARROSO s’en va et Martin SCHULZ, actuellement Président du Parlement deviendrait Président de la Commission. Il dit qu’il ne donnerait pas son accord à priori. D’autre part, le Président du Sénat des USA, démocrate, demande à OBAMA de revenir sur le systématisme des décisions.
C’est le VIVRE ENSEMBLE qui est démantelé. Au nom de quelle légitimité ?
Actuellement, trois séminaires sont en cours sur la question du GMT et Louis nous donnera leurs conclusions. A suivre

Louis CAUL-FUTY Françoise SURETTE