INFO N° 8 – JUIN 2014

INFO DU MOIS – 11 JUIN 2014
PALESTINE : rapprochement du FATAH et du HAMAS pour former un gouvernement en commun et s’allier pour reprendre les négociations avec Israël. Lors de sa visite, le Pape a salué cette initiative.
IRAK : les djihadistes du mouvement sunnite « l’Etat islamique en Irak et au Levant » envahissent le pays, détruisent les villes, font fuir les habitants par milliers dans le but d’établir un état islamique. Hier ils ont pris la ville de Mossoul et se trouvent aux portes de Bagdad. L’Irak va-t-il entrer dans sa 4ème guerre en 30 ans ? Guerre contre l’Iran (1980-1988), guerre contre la coalition internationale (1991), guerre contre les Etats-Unis et le Royaume-Uni (2003) et maintenant guerre entre sunnites et chiites. L’Irak va-t-il être le symbole des déviances du système international depuis la fin de la guerre froide ? Ce retour de l’Irak sur le devant de la scène est-il le nœud des rivalités entre Iran et Arabie Saoudite ? Avant de parler plus précisément de ces événements, nous pouvons penser qu’ils interpellent, notamment les Occidentaux, sur leurs responsabilités dans les interventions militaires, nécessaires ou désastreuses et c’est bien de cela dont l’Irak est le symbole. A suivre.
UKRAINE : bonnes nouvelles suite aux élections du 25 mai 2014. Une grande participation et la victoire de Pétro POROCHENKO, malgré la pression politique et militaire des pro-russes et des Russes, malgré les extrémistes et la propagande de l’est. Un « succès ». Si les observateurs internationaux, qui surveillaient la tenue de l’élection présidentielle ukrainienne, ont reconnu les difficultés rencontrées dans l’est du pays – où les séparatistes ont perturbé le scrutin avec des « évictions forcées », « la saisie d’équipements et de matériel électoral » et « des enlèvements et des menaces de mort » –, ils ont finalement salué « les autorités ukrainiennes et le peuple ukrainien qui ont fait de ces élections un succès », avec un vote « largement conforme aux normes démocratiques ». Le score des extrémistes de droite n’est que de 2 %. C’est un camouflet pour Vladimir POUTINE qui a reconnu la légitimité du nouveau pouvoir. (Lors de sa visite en France). Le nouveau président a engagé le parlement à discuter avec les Russes mais il reste ferme et exige l’arrêt de l’aide apportée aux séparatistes. Il a conscience qu’il doit renouer avec Moscou des relations apaisées, pour aussi calmer les ardeurs des séparatistes. Il a d’autre part engagé les négociations avec l’Europe. Le mouvement de révolte qui s’était développé en Ukraine correspond à un immense mouvement de contestation contre la corruption et pour la démocratie. Ce mouvement constitue un défi pour le nouveau président car lui aussi vient de l’oligarchie. Il soutient une Ukraine indépendante mais il devra instituer des pratiques démocratiques.
FRANCE :
– UMP et le financement de la campagne présidentielle 2012 de Nicolas SARKOSY. 11 millions d’euros de dépassement abusif, c’est la première fois que le droit est autant bafoué. On peut imaginer l’impact sur l’esprit des Français que peuvent avoir cette amoralité de la classe dirigeante, ces soupçons de corruption, ces atteintes à la justice … Les raisons de la désespérance et du manque de confiance se vérifient chaque jour mais on se complet quand même dans cet état d’esprit par manque de confiance et de perspectives. Le dialogue entre état, forces de production, forces sociales semblent rompu et pourtant lui seul pourrait redonner de la confiance. En avril, François HOLLANDE dit que « la réforme se fera dans le dialogue et le dialogue social demande du temps » et au lendemain des élections européennes, Manuel VALS dit qu’il faut réformer et qu’il faut faire vite. Les paroles ne sont pas crédibles. Réticence frontale de la part du MEDEF, refus de la CGT. Les syndicats sauf CGT et FO sont d’accord pour discuter du Pacte de responsabilité dans le dialogue mais maintenant c’est la CFDT qui ne veut pas s’engager si des négociations et des compromis ne sont pas possibles sur les questions de la pénibilité, du statut des intermittents et sur l’utilisation des crédits recherche-impôts pour les chercheurs car malgré cette aide, il n’y a pas de volonté d’investissements de la part des entreprises de recherche.
Que va devenir ce Pacte ? Le MEDEF entretient le manque de confiance, le malaise par ses déclarations contradictoires : le président soutient le Pacte de Responsabilité quand un vice-président annonce aujourd’hui que les propositions du gouvernement sont insuffisantes… ?
– Elections européennes du 25 mai 2014. L’abstention n’est pas nouvelle dans un contexte d’élections européennes, elle atteint 56,50 % (59,37% en 2009). Le FN, parti raciste et xénophobe malgré une façade qui se veut plus lisse, conforte sa progression des municipales avec un score de 25% des votants. Et les deux partis républicains, en plein délabrement politique, sont en train d’éclater.
Quelles sont les causes de cette situation ? On peut en préciser trois :
– La crise de l’Europe : au départ, l’Europe est un immense projet, audacieux et positif, projet bâti sur la paix, les échanges, la solidarité et la notion de citoyenneté européenne. On est bien loin aujourd’hui de ce projet. La solidarité a volé en éclats au Traité de Maastricht et a été remplacée par la concurrence au Traité de Lisbonne. On a remplacé un système régulé de gestion politique de l’Europe par un système tout libéral de suppression des règles. De plus, les institutions européennes ne sont pas démocratiques ; en cause la nature, la pratique et l’idéologie des dites institutions. Elles s’occupent de détricoter les lois des pays au lieu d’investir travail, intelligence et argent à la création d’emplois.
– La crise économique et sociale : montée du chômage avec près de 4 millions de chômeurs. Croissance entre 0,5 et 1% ce qui ne permet pas des créations d’emplois. 25% de chômage chez les jeunes. Ascenseur social qui ne fonctionne plus. Augmentation des impôts. Crainte que la crise se prolonge d’autant plus qu’il a fallu rembourser les banques et qu’il faut maintenant expurger la dette.
– La crise politique : crise de confiance dans l’opinion ce qui entraîne des abstentions en masse. C’est l’opinion qui fait la politique, nous sommes dans une démocratie d’opinion. Comportement des politiques et écart considérable entre élus et citoyens.
C’est sur les effets de ces trois crises que surfe Marine LE PEN depuis 2008 et effets que les hésitations de François HOLLANDE ont accentués. Elle surfe sur la désespérance, le chômage, la pauvreté tout en désignant des boucs émissaires.
Ces crises conjuguées font que le gouvernement et surtout François HOLLANDE sont en très mauvaise posture. L’intervention à la télévision du président est venue trop tôt, avant sa rencontre à Bruxelles ; il n’avait rien à dire aux Français car il n’avait pas de réponse de l’Europe à ses demandes de modifications. Elles sont au nombre de trois : 1 – une Union européenne centrée sur les vrais enjeux. 2 – Un besoin d’identifier les priorités. – 3 – Opérer la transition énergétique.
Pour François HOLLANDE, le calendrier parlementaire est très chargé : Réforme pénale – Projet de la loi de finances rectificative – Loi de finances de la Sécurité Sociale – Réforme territoriale. Cette dernière est très importante, monumentale. Elle se justifie sur de nombreux points : diminution du millefeuille car trop de structures, trop de dépenses pour un entassement et un chevauchement des compétences. Trop de dossiers, trop de retard dans le traitement des dossiers. Par exemple, la politique du logement dépend à la fois des communes, des communautés de communes et du département. Mais encore faut-il supprimer les bonnes structures, à bon escient et avec l’accord des élus et des citoyens. Il faudra que la répartition des compétences se fasse au meilleur niveau par exemple, l’action sociale qui est de la compétence des départements, s’il n’y a plus de département, qui prend cette compétence ? Cette réforme devra se faire, le gouvernement doit y parvenir, c’est absolument nécessaire.
Avec les personnes que François HOLLANDE a fait entrer au gouvernement lors du remaniement, il n’a plus aucune marge de manœuvre pour un autre changement. Le parti socialiste est divisé, le mécontentement atteint 82 %, le FN gagne, l’abstention devient le premier parti de France, la situation est grave. Et il n’y aura pas d’alternative si le PS s’écroule, l’UMP ne sera pas là car il est totalement délabré. Aux prochaines législatives, il faudra faire attention à un scénario comme à la présidentielle de 2002. Parce que la gauche n’a jamais été aussi fragmentée, parce que la gauche est isolée, c’est-à-dire séparée du peuple, des salariés, parce que la gauche n’a pas encore produit de projet de société. Actuellement sa pratique c’est de l’épicerie, – équilibrer les comptes – réduire le chômage – équilibrer la Sécurité Sociale. A l’époque, et contrairement à François HOLLANDE, Lionel JOSPIN, homme intègre, pouvait avancer un bilan positif avec la baisse du chômage, (300 à 500 000 emplois créés), l’équilibre des comptes de la Sécurité Sociale, la création de la CMU et pourtant il a chuté : il n’avait pas de projet de société susceptible de donner de la confiance, un projet que la société soutiendrait. Si on reproduit ce scénario aux législatives, on verra le FN au pouvoir. Et le dernier de l’extrême droite au pouvoir, c’était PETAIN.
Ce qui est à faire : Redistribution des richesses et réduction des inégalités pour stimuler la consommation. Créer des emplois oui, mais en offrant des perspectives d’ascension sociale (qualification, formation, mobilité). Lutter contre la fracture générationnelle. Engager la réforme fiscale.
Et il faut un autre langage, en relançant la bataille culturelle, en affirmant des valeurs de transparence, de démocratie, d’éthique pour redonner une crédibilité à la parole publique. (Non cumul des mandats – statut de l’élu – pénalisation de la corruption)
La stupeur des résultats du 25 mai doit céder la place à l’intelligence collective. Ne passons pas notre temps à disséquer le FN, il n’est qu’un symptôme, le révélateur de la crise. Il est entendu qu’il s’agit d’un parti xénophobe, autoritaire dont l’objectif est de brider les libertés, de fermer les frontières, de se cloisonner dans une identité faussement pure. Attaquons nous à la maladie.
Exemple de l’Italie : le maire de Florence, Mattéo RENZI, 39 ans, est élu premier ministre, centre gauche. Un gouvernement de 16 ministres – 8 femmes – 8 hommes – 47 ans de moyenne d’âge. Le projet de supprimer le Sénat. Nouvelle loi électorale, avec un mode de scrutin pour la Chambre des Députés plus efficace pour obtenir de vraies majorités. L’Italie est à peine sortie de la récession et le premier plan économique qu’a proposé Mattéo RENZI est un ensemble de mesures coups de poing : il propose une baisse des impôts dans un pays où la pression fiscale est l’une des plus élevée au monde : « 10 milliards en moins pour 10 millions de personnes » avec comme objectif de favoriser le pouvoir d’achat des ménages, ceux gagnant moins de 15 000 € par an. Il y ajoute un allègement des charges sur les entreprises pour soutenir l’économie de l’Italie. Il va présenter également son « Jobs act » qui mettra en place un nouveau contrat de travail, plus flexible, afin de relancer le marché de l’emploi. L’Italie affiche l’un des plus forts taux de chômage en Europe (12,.9 %) et chez les jeunes actifs de 15-24 ans, il atteint le niveau record de 42,4 % en janvier 2014. 3,5 milliards d’euros devraient être consacrés à l’éducation, et notamment à l’urbanisme scolaire, bien mal en point et l’un des chevaux de bataille de l’ancien maire de Florence. 1,7 milliards pour les logements sociaux. Simplification administrative, réforme du Code du Travail, baisse du coût de l’énergie pour les PMI, création d’une autorité contre la corruption, baisse des salaires des managers des entreprises publiques. Et plus anecdotique, vente de 1500 voitures de luxe de l’administration.
Comment financer ce plan : 3 milliards économisés grâce à la baisse des taux d’intérêt sur les titres souverains, 6,4 milliards en provenance des coupes des dépenses publiques, et un déficit public inférieur à 3 % du PIB.
Pourquoi tout cet activisme ? Parce que « si nous ne changeons pas, ce sont les populistes qui gagneront » Bluff ou coup de génie, « livre des songes » ou projet « inscrit dans le marbre » l’avenir le dira.

Louis CAUL-FUTY Françoise SURETTE