INFO NOVEMBRE 2012

Louis, malgré sa récente fatigue, nous a fait l’honneur d’assurer la soirée en nous proposant deux thèmes d’actualité, le Traité de stabilité européen et le Pacte de compétitivité français.

1 – Traite de stabilité budgétaire européen : ce traité a été engagé par Sarkozy et Merkel  et a déjà été signé par 25 pays sur 27, 25 pays engagés à le faire appliquer. Grande Bretagne et République Tchèque ne l’ont pas signé. Il est en cours de ratification, 12 pays suffisent pour qu’il soit appliqué, 15 l’ont d’ores et déjà ratifié.

Présentation : il fallait trouver une sortie à la crise. Il met en place un dispositif de réduction des déficits et un contrôle très strict des budgets des états. Chaque pays doit s’engager à appliquer ce qui est voté. L’accord porte sur les modalités suivantes :

a)  réduire en un an et demi le déficit de 3% (Nous sommes à 6% actuellement).

b) Présenter un mécanisme de réduction de la dette d’environ 100 milliards d’euros sur 3 ans. c) Accepter des règles strictes de surveillance. Les sanctions en cas de non respect seront si lourdes qu’elles ne peuvent qu’augmenter l’endettement.

d) Droit de délation : si un  pays ne respecte pas les engagements, il peut être dénoncé et pénalisé pour la faute commise et pour ne pas s’être dénoncé lui-même. S’il n’est pas arrivé à l’objectif mais qu’il prouve qu’il a employé tous les moyens, il aura des délais.

e) L’application pour les 27 pays intervient le 31 janvier 2013.

En France, la gauche, le centre, une partie de la droite l’ont voté. L’autre partie de la droite, l’extrême-droite et le Front de gauche ne l’ont pas voté.

Quels ont été les arguments ?

Pour : 1) c’est le seul dispositif, compte tenu de la fragilité de l’euro, pour que tous les états, même les plus fragiles (Grèce, Espagne, Portugal …) restent dans la zone euro. La situation devient très compliquée si un pays comme la Grèce sort de l’euro car la conséquence serait une baisse de la valeur de son argent de 20 à 25 %.

2) C’est la seule condition pour consolider un processus de solidarité entre pays européens, la seule solution qui permet cette solidarité.

3) Il existe déjà un mécanisme européen de solidarité soit la BCE qui vient en aide aux pays prêts à imploser, c’est ce qui a été fait pour la Grèce. Mais les pays les plus vulnérables doivent  aussi faire des efforts de solidarité.

4) C’est un dispositif qui évite que les pays soient pris dans les tenailles de la spéculation, des marchés financiers (la Grèce rembourse à des taux de 16%). Les marchés financiers sont muselés.

5) Nous ne sommes pas dans le même cas lorsque le traité a été signé, il y a 6 mois : depuis, Hollande a obtenu un fond de 43 milliards d’euros pour une relance économique ainsi qu’un dispositif de surveillance bancaire qui devrait stopper les banques spéculatives et ne laisser agir que les banques de dépôts.

Contre : 1) Le traité s’oppose à la progression du fédéralisme européen car il ampute les états de leur souveraineté sur leurs budget.

2) Au niveau de la gestion des Collectivités territoriales, il y a 2 budgets, un budget de fonctionnement qui est libre et un budget d’investissements plafonné et soumis à contrôle. Si on applique le traité, tous les budgets seront sous contrôle y compris les budgets de fonctionnement et les collectivités seront dans le rouge. Il leur sera beaucoup plus difficile de faire des investissements importants.

3) Ce traité ne va-t-il pas conduire à une dictature de l’austérité ?

Conclusion : nous avons à réduire la dette de 85 milliards d’euros en 3 ans. Dans l’immédiat soit fin 2013, nous devons réduire le déficit de 3%. 3% de moins de dépenses correspondent à trouver 37 milliards d’euros pour compenser.  Il y a peu de possibilité d’arriver à ce résultat à fin 2013. Hausse des impôts, baisse des budgets des ministères, aide à la compétitivité, c’est ce que disent les pour. Les effets négatifs peuvent être considérables selon les contre : on n’y arrivera pas.  Les chiffres s’appuyaient sur une croissance de 1,3%, elle est de 0,8% et sera moindre en fin d’année. Il faudra faire la démonstration de ce que nous sommes capables  de faire et il y aura des négociations dans quelques mois. Tous les pays sont mal, y compris l’Allemagne : réduction des contrats de travail, bas salaires, emplois précaires, augmentation du coût du travail, ils ne sont qu’à 1/10ème de point derrière la France.

L’Angleterre est la tête dure de l’Europe ; elle n’agit que pour tirer les bénéfices de l’Europe, c’est elle qui reçoit le plus gros budget européen pour l’agriculture. Elle ne manifeste aucune solidarité.

2 – Pacte de compétitivité : notre coût du travail – salaires, recherche, investissements, charges – est élevé, c’est vrai,  mais on ne nous donne pas d’explication : nous avons un système de protection sociale et des services publics, que d’ailleurs les Français veulent conserver. On nous dit que nous sommes obligés d’acheter ailleurs mais si nous baissons le coût du travail, nous nous retrouvons en compétition avec la Chine qui baissera aussi son coût du travail.  Alors, on baisse le coût du travail mais jusqu’où ?  

A l’intérieur de l’Europe existent de grandes disparités ; certains pays ont un PIB qui est la moitié du nôtre et les derniers pays entrés, comme la Bulgarie, ont un PIB qui est la moitié de celui des pays de l’Est. Il y a d’autres moyens  comme par exemple des taxes à l’importation.

Le gouvernement a demandé un plan pour la compétitivité à Louis GALLOIS. Il préconise 30 milliards d’Euros de réduction du coût du travail soit 10 milliards d’économies et 20 milliards de réduction des charges patronales. Le gouvernement a réponde oui pour les économies sous forme de modulation de la TVA et non pour une réduction des charges patronales  mais en convertissant ces 20 milliards en réduction d’impôts pour les entrepreneurs qui embauchent, investissent, progressent. Les comités d’entreprise devront être « régulièrement informés de l’utilisation du crédit d’impôt ».  La TVA est actuellement à 3 taux (sans tenir compte du taux spécifique de 2.10%  sur les médicaments remboursés par la Sécurité Sociale),  un taux réduit de 5.5%, un taux intermédiaire de 7% et le taux normal de 19.60%.  Ils seront remplacés par des taux de 5, 10 et 20 %. Le taux intermédiaire concerne des secteurs comme le bâtiment et les travaux de rénovation, la restauration, mais aussi les jeux et divertissement (cinéma, théâtre, concert), le transport de voyageurs, le bois de chauffage, etc. Le taux réduit porte sur des produits de première nécessité (alimentation, énergie, cantines scolaires).  Ces modifications doivent rapporter environ 7 milliards d’euros.).

Un « comité de suivi » du pacte, associant l’État et les partenaires sociaux, sera mis en place « pour dresser à intervalles réguliers un constat partagé sur le bon fonctionnement de ce dispositif ». (Détails du pacte « copié » sur le journal Le Point)

La majorité, la droite et le centre ont voté pour, l’extrême droite, le Front de gauche contre.

Il faut être réaliste : après avoir voté le traité de stabilité, si on ne fait rien c’est illogique.

On ne baisse pas les charges malgré le souhait des patrons ; les cotisations sociales entrent dans le décompte des salaires et si on réduit les charges patronales et salariales, le salaire de base  lui n’augmentera pas  et la baisse des remboursements médicaux, de la prise en charges des indemnités maladie, accident, chômage, baisse liée à une perte de cotisations, aura à terme un impact très négatif sur le pouvoir d’achat.

Le pacte de compétitivité ainsi voté est sans doute le moindre mal car il ne touche pas au social mais on ne change rien à la répartition du bénéfice du travail

 

Analyse de Louis : au sujet de la dette, on nous dit et nous finissons par le croire que nous avons vécu au-dessus de nos moyens, que les états ont fauté et qu’il faut qu’ils expient leur faute. Le seul remède serait donc l’austérité. Et si cela ne marchait pas comme à l’instar de la Grèce ? Depuis 5 ans elle reçoit des monceaux de milliards et ça ne marche pas, austérité et renflouement ne donnent aucun résultat malgré les contrôles du FMI. Les Grecs remboursent aux porteurs de capitaux.

Et si le diagnostic commun sur la dette n’était pas le bon ? D’où vient la crise ? Pourquoi tous nos pays ont-ils tellement de dettes ? Pourquoi l’économie tombe-t-elle en récession si on cesse d’augmenter la dette ? Après la guerre, la dette représentait 139% du PIB. Le gouvernement a investit comme jamais, augmenté la dette par des grands travaux, réalisé les lois sociales, négocié avec les syndicats – 1945/1955 – On a investit pour pouvoir reconstruire la France et rembourser nos dettes. On n’était pas sous la pression des marchés. Si on faisait la même chose dans une logique raisonnable, on pourrait obtenir un consensus européen : on emprunterait pour investir et on rembourserait à des taux raisonnables. Emprunter ensemble pour faire ensemble et sortir de la logique ultra libérale. 27 pays, c’est une force considérable.

C’est en observant l’évolution de la dette aux Etats Unis qu’on comprend les causes profondes de la crise. Jusqu’en 1981,  le ratio dette/PIB était parfaitement stable. L’économie n’avait pas besoin de dette. Des règles collectives assuraient une progression régulière des salaires et un partage équitable des gains de productivité entre salariés et actionnaires. Résultat, 30 ans de prospérité, sans dette privée ni dette publique.

Mais en 1981, Ronald REAGAN arrive à la Maison Blanche. Les libéraux baissent les impôts pour les plus riches, ce qui favorise la dette publique et les politiques de dérégulation amènent à la baisse la part des salaires dans le PIB. C’est à partir de là que des millions d’Américains s’endettent pour maintenir leur niveau de vie. Aux USA avec Donald REAGAN et en Angleterre avec Margaret THATCHER, les ultralibéraux  ont impulsé un néolibéralisme effréné qui a tout permis en supprimant les règles.

Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la part des salaires représentait 67.3 % du PIB en 1982. Elle n’en représentait plus que 57.3 % en 2006. Cette baisse de 10 points est colossale et a évidemment un effet négatif sur la consommation des ménages et sur les ressources de l’état. Dans la zone euro, les entreprises prennent chaque année l’équivalent de 1 % du PIB dans la poche de leurs salariés et pendant des années, l’économie n’a continué à croître que parce qu’on distribuait par la dette le pouvoir d’achat qu’on ne donnait pas en salaire : sans l’augmentation de la dette des ménages, la croissance serait nulle en zone euro depuis 2002. (Patrick Artus)

Au total en 30 ans, ce sont quelques 150 % du PIB de l’ensemble de nos pays qui sont partis vers les marchés financiers au lieu d’aller aux salariés et donc aussi à l’état, via la TVA. Cet argent a-t-il profité à la recherche ou à l’investissement ? Non, toutes les études montrent le contraire. Ces sommes colossales ont été accaparées par un tout petit nombre de citoyens : l’Europe s’est épuisée depuis des mois pour trouver 110 milliards pour sauver la Grèce mais la fortune cumulée des 0.2 % les plus riches de la planète est estimée à 39 000 milliards !!

 

Louis CAUL FUTY                                               Françoise SURETTE