14 – LES POUVOIRS DE LA GRATITUDE

Rebecca SHANKLAND Psychologue, Maître de conférences à l’Université Grenoble-Alpes. Chercheure au Laboratoire Interuniversitaire de Psychologie. 25 avril 2018
De nombreuses recherches ont démontré les bénéfices de la gratitude en termes de santé physique, mentale et sociale. Pourquoi moins d’expression de la gratitude aujourd’hui ? Comment la développer ? Comment agit-elle sur nos vies ?

« La gratitude est un second plaisir, qui en prolonge un premier : comme un écho de joie à la joie éprouvée, comme un bonheur en plus pour un plus de bonheur » André Comte-Sponville.

L’on constate aujourd’hui un manque de reconnaissance, notamment dans l’éducation, de la part des élèves, des parents, des enseignants. Il en est de même dans le monde du travail où l’on relève un déficit d’expression de gratitude. Cette génération pense que tout lui est du. En France et ailleurs, on cultive la critique, le pessimisme, on voit le verre à moitié vide … La gratitude est une émotion et nous manquons en général des compétences émotionnelles et avons des difficultés à définit les émotions, la joie, la gratitude. Au travail, en famille, on a l’habitude d’avoir de la chance, d’être servi, on trouve ça normal. Et on peut avoir le sentiment d’en faire plus que les autres donc pourquoi remercier celui qui fait ? Pour les hommes il est encore plus difficile d’exprimer la gratitude. Au travail, dissymétrie entre collaborateurs/équipes, difficulté à reconnaître le travail, l’effort, peur d’une demande en échange d’un merci, on pense que le succès nous revient alors pourquoi remercie l’autre ?
Peut-on changer ? Est-ce possible ? Un exemple : un travailleur social, fatigué, stressé car pas reconnu. Il commence lui-même à remercier les autres collègues, à la féliciter et du coup, changement de dynamisme dans l’équipe. Certains élaborent un tableau de gratitude sur lequel on inscrit les mercis et les offres d’aide.

La gratitude est une émotion positive qui entraîne joie, émerveillement, surprise. Entre personnes mais aussi auto-transcendante, envers la vie, la nature. Ce n’est pas qu’une forme de politesse, c’est plus. Politesse et gratitude sont deux formes d’apprentissage. La gratitude se distingue du sentiment de dette, la dette entraînant l’évitement. Dans la gratitude on a envie de se rapprocher de l’autre, de proposer de l’aide. Le degré de gratitude dépend de la culture et des attentes d’autrui, par exemple aux USA pas de sentiment de dette.
Quelles conditions faut-il pour éprouver et manifester de la gratitude ? L’attention, être attentif aux autres, à ce qui se passe autour de soi. Sortir de sa tête les difficultés, les dangers de la journée mais chercher chaque soir quelques petites choses même infimes qui méritent de la gratitude. Mémoriser les bons moments pour s’en servir dans les moments ternes, tristes, et retrouver un sentiment de satisfaction. Être dans l’empathie, être ouvert aux sentiments des autres. Être dans l’humilité, accepter l’interdépendance.

Les effets de la gratitude : plus de bien-être chez autrui, meilleure qualité relationnelle, plus de bien-être chez celui qui l’exprime. Effets sur le bien-être : plus grande satisfaction de sa vie, meilleure vitalité, optimisme, lien social renforcé. Effets sur la santé physique : réduction des effets du stress, amélioration du fonctionnement immunitaire. Meilleure qualité du sommeil. Effets sur la santé mentale : diminution de l’anxiété et de la dépression, plus de satisfaction par rapport à la vie. Meilleure capacité à résoudre les difficultés. Plus grande créativité. Sentiment d’autonomie et de contrôle de son environnement. Effets sur le lien social : la gratitude crée des liens, renoue des liens même avec ceux qui ont disparu. Les relations sont positives. Meilleurs comportements dans le soutien social, être plus dans l’altruisme. Motivation à résoudre les conflits.

Comment éprouver et vivre cette émotion de gratitude. Attitude de l’orientation reconnaissante : permet de se remémorer les belles choses du quotidien, les événements positifs et avoir ainsi une meilleure motivation à commencer sa journée. L’adaptation hédoniste : être à l’écoute des surprises du quotidien, savourer l’instant présent en pleine conscience.
Penser à la chaîne humaine qui nous permet le bien-être, le bien-vivre au quotidien. Prendre soin des autres et de l’environnement. Diminuer la tendance à se comparer aux autres. A l’école, proposer un journal de gratitude, dès la maternelle, en demandant aux enfants de dire, de noter trois choses pour lesquelles ils sont reconnaissants. Ils formulent la suite de « Aujourd’hui, j’ai de la chance parce que … » « Aujourd’hui, je suis content parce que … et j’ai envie de dire merci à … ».
Lettre de gratitude pour remercier sincèrement. Visite de gratitude : en groupe, essayons de parler de choses positives.
Feel good, se sentir bien. A voir sur le site msh-alpes.fr dans « événements passés » le 19 octobre 2018 : Journée de l’innovation positive. Comment améliorer le bien-être au quotidien. Maison des Sciences de l’Homme Alpes.
Réponses aux questions : L’autocritique n’aide pas vraiment, elle bloque, freine. Connaître ses valeurs, les appliquer dans son quotidien, s’engager sont des facteurs de bien-être. La gratitude est l’élément le plus puissant dans la psychologie positive pour le bien-être physique, mental, social. Elle met en route de circuit de la récompense. Dans les difficultés, mobiliser ses ressources, se connecter à ses émotions. Travailler sur une situation de gratitude, moment satisfaisant plutôt que de travailler sur une liste. Pleine conscience : accueillir ce qui est là, juste être là. Exprimer la gratitude avec le corps , les gestes, pas seulement avec la parole. La compétition n’est pas le meilleur moteur, mais c’est plutôt la motivation de nos actes. Aider les enfants, les proches à être fiers de leur vie.

« C’est peut-être parce que j’ai vécu plus longtemps que la plupart des gens que j’ai mieux appris à connaître ce sens de l’amour. Je ne crois pas m’être réveillé un seul jour de ma vie sans contempler la nature avec un émerveillement nouveau. Si on continu à travailler et à s’imprégner de toute la beauté du monde, on se rend compte qu’avancer en âge ne signifie pas nécessairement vieillir. »
Pablo Casals