N° 02 – LES ENJEUX GÉOPOLITIQUES DES INTERVENTIONS MILITAIRES ÉTRANGÈRES EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE.

Arnaud YALIKI – Citoyen de RCA. Doctorant en Droit Public à l’Université Paris-Est – 23 septembre 2015 – 30 participants.
Les interventions militaires étrangères : but purement humanitaire ou protection des intérêts des pays intervenants ?

Contexte de la crise. Colonie française et indépendance en 1960. 4 500 000 habitants, 85% de chrétiens, 12% de musulmans et des animistes. 623 000 km2. Sous-sol riche de diamants, or, uranium et pétrole pas encore exploité. Au nord, le Tchad, à l’est le Soudan. Depuis l’indépendance, un seul dirigeant élu par les urnes, tous les autres par coups d’état. Le premier, Barthélémy Boganda, un ancien prêtre « Père fondateur de la Nation » est mort dans un accident d’avion. Jean-Bedel Bokassa renverse son cousin David Dacko, président du 14 août 1960 au 1er janvier 1966, est président jusqu’au 4 décembre 1976, empereur jusqu’au 20 septembre 1979 et le coup d’état de David Dacko qui devient à nouveau président jusqu’au 1er septembre 1981. Présidence par les urnes d’Ange-Félix Patassé de 1986 à 2003. Depuis le 23 janvier 2014, une femme chef de l’état de transition après le dernier coup d’état en 2013, Catherine Samba-Panza.
Depuis 2012, la Centrafrique vit une crise. En quoi la crise actuelle est-elle différente d’une guerre religieuse ? La Séléka, groupe de musulmans, pauvres, qui n’ont pas à manger mais ont des armes, attaque les non-musulmans plus riches, plus éduqués. Le groupe d’auto-défense Anti-Balaka, (invulnérables aux machettes) forme une milice, un groupe isolé qui ne regroupe pas que des chrétiens. Deux milices psychopathes qui se combattent mais ce n’est pas un combat entre religions.

Les forces engagées. Le 5 décembre 2013, 1ère résolution 2127 du Conseil de sécurité des Nations Unies autorise le déploiement de la MISCA, Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine : 6000 hommes – appuyée par des forces françaises, l’opération Sangaris, 2000 hommes. Le 10 avril 2014, 2ème résolution de l’ONU qui autorise la MINUSCA, Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine, pour la protection des civils, 10806 hommes.
A quoi se rajoute l’EUFOR force opérationnelle dirigée par l’UE, 700 hommes.
Toutes ces forces étrangères ne parviennent pas à sécuriser le pays ni à restaurer l’état, ni même à protéger le palais présidentiel. Et le coût est énorme, plus de 600 millions de dollars.
Les enjeux. Difficultés liées aux opérations : des militaires de 33 pays sur le terrain, caractère multinational des forces qui viennent de cultures différentes, éducation, justice, mœurs, religion. Sous la couverture juridique de l’ONU, certains casques bleus agissent en suivant les instructions de leur pays, par-dessus l’ONU et ils bénéficient de l’immunité. Manque de logistique, amateurisme, non-respect du droit international militaire – on ne tue pas les civils, les prisonniers – Actes de viols, militaires sans préparation. Sentiment de haine dans la population.
Constat d’une absence de volonté politique, mais pour quels intérêts ?
Intérêts géopolitiques et géostratégiques : pas d’état souverain, menaces des pays voisins, mais on ne bouge pas pour ne pas déstabiliser. Enjeux électoraux : situation tellement délicate que si les élections se passaient bien, ce serait un mauvais signe pour les autres pays sans démocratie. On n’accepterait pas des leçons de démocratie de la Centrafrique. Enjeux économiques : de 2003 à 2013, le président confie l’exploitation du ciment à une firme indienne, le pétrole aux Chinois. On constate que des armes de marque chinoise sont sur le terrain, y compris des machettes. Livraison d’armes contre exploitation des ressources ?

Leçons à tirer. Quelle utilité des forces étrangères, dans l’ordre chronologique, MISAB – MINURCAT – FOMUC – FOMAC – MISCA – MINUSCA et des opérations françaises, BARRACUDA – SANGARIS ? Ne pas voir dans les échecs que la responsabilité des étrangers, les Centrafricains sont aussi responsables. On met des hommes incapables au pouvoir, des hommes de sa famille, de son clan, de son ethnie. On prend l’argent dans les caisses, on s’accroche au pouvoir.
La communauté internationale pousse à la réconciliation nationale, mais les Centrafricains n’y sont pas prêts. Il faut un devoir de mémoire, les gens qui tuent, les bourreaux sont toujours libres, ils sont au pouvoir, ils ont l’argent. C’est impossible de pardonner sans désigner et juger les coupables. La communauté internationale pousse également à des élections mais pas de recensement, le corps électoral est inconnu. Il faut que ceux qui se présentent soient propres, honnêtes. Actuellement, ce sont les bourreaux qui sont en campagne. Il faut que celui qui sera élu soit accepté par tous, y compris par l’opposition. Pour le moment, des régions entières sont inaccessibles même certains quartiers de Bangui.

Une justice multiforme. Faire face à un passé de violation des Droits de l’homme au travers de quatre mécanismes : – Poursuites pénales – Recherche de la vérité – Réparation – Réformes institutionnelles y compris pour les militaires qui sont coupables d’exactions, viols, meurtres. Ils doivent être jugés dans le pays. Pour le moment, il n’y a rien de tout cela, il y a toujours la crise et le pardon est impossible.

Les richesses. Des rumeurs, pas de documents officiels mais on peut penser que le Cameroun qui vend du ciment à la RCA, ce qui représente au moins 8% de sa richesse, n’a pas intérêt à ce que la RCA exploite son ciment. Idem pour le Tchad, pour la France par l’intermédiaire du Tchad, pour l’exploitation du pétrole. Et peut-être encore, le Congo qui voudrait installer une base militaire. Dans les relations internationales, pas d’amis, que des intérêts.

Le public a été touché par la sincérité et l’émotion d’Arnaud et par l’amour qu’il porte à son pays. Son but est de finir ses études en France pour retourner en Centrafrique et aider à la reconstruction. Il est soutenu dans ses études et ses projets par l’association GAA, Groupe d’Aide à Arnaud et à la Centrafrique. Nous lui souhaitons tout le succès possible et espérons avoir de ses nouvelles dans le temps.