N° 07 – L’AMOUR A MORT

Patricia MERCADER – Professeur de psychologie sociale – 14 janvier 2015 – 34 participants.
Le crime dit « passionnel » et sa signification dans un univers sexiste …
Tout d’abord un constat, nous vivons dans un monde sexiste et misogyne. Il manque 200 millions de femmes dans le monde pour cause d’avortement préférentiel dans certains pays. En France, des lois égalitaires existent mais les tâches domestiques sont en majorité effectuées par les femmes et leurs salaires à postes égaux sont toujours inférieurs à ceux des hommes.
La recherche : le crime dit quelque chose sur notre société. Etude sur deux quotidiens régionaux, de 1986 à 1991 et sur cinq ans de dossiers d’instruction. Les chercheurs n’ont pas rencontré les familles en détresse repliées sur elles-mêmes, les coupables en prison. Dans certains cas on reconnaît l’acte comme excusable, défense des enfants par exemple. Adultère, violence conjugale qui tourne mal, aller-retour de la femme au foyer car forte dépendance réciproque, domination, ou asymétrie de genre : la femme tue le mari pour sauver sa vie et celle des enfants. Le féminicide : « femme tuée parce qu’elle est une femme ». Légitime défense : riposte proportionnée à l’attaque et immédiate.
Résultats de la recherche.
Qui tue qui : Meurtres d’hommes par 263 hommes et 74 femmes avec 40 complices hommes et 12 complices femmes. Les victimes : 295 femmes dont 168 par le conjoint et violées juste avant et 149 hommes. Une victime sur six est un enfant (en famille). Un homme sur cinq se suicide. Un quart des hommes tue plus d’une personne (jusqu’à 7). Un homme tue une femme parce qu’elle se refuse, une femme tue un homme qui la harcèle.
Les mobiles : Trois quarts des hommes tuent pour cause d’abandon, de jalousie. Plus de la moitié des femmes tue à cause de relations conflictuelles, tyrannie, obstacles à leurs projets, elles tuent l’homme dont elles veulent se débarrasser, les hommes veulent les garder. Des variantes : sur 292 homicides conjugaux soit 87%, l’homme tue la femme qui est déjà partie après une période de vie commune qu’il croit parfaite, fusionnelle.
Des hommes et des femmes ordinaires : Plus âgées que les auteurs d’homicide en général, les femmes sont coupables de crimes passionnels plus que dans d’autres circonstances. La répartition socio professionnelle est proche de celle de la région considérée : artisans, commerçants qui travaillent ensemble, retraités. Climat social dégradé pour les femmes, plus d’alcool, plus de pauvreté. Toutes les couches de la société sont concernées mais dans des zones où les inégalités hommes-femmes sont plus importantes, il y a plus de pauvreté et plus de crimes.
Spécificités : Écarts d’âge importants, liens de longue durée, des couples ne vivant pas nécessairement ensemble. Le temps de l’idéalisation de la relation dure, s’étire malgré les crises et pas de traitement de ces crises.
Modus opérandi : armes classiques, l’homme tue la femme chez elle, à son travail. La femme tue l’homme dans la famille, chez elle.
Appropriation : Des couples dissymétriques mais pas fondés sur la différence. Couples fusionnels sur fond d’incestualité : relations glauques, pas d’actes sexuels entre enfants et parents mais qui sont limites. Des configurations familiales particulières ou extrêmes. Des femmes qui ne s’appartiennent pas, elles n’ont jamais appris avec le contrôle des parents sur la sexualité, sur toute liberté, accès limité à l’indépendance, à la culture, emprise rigide, autoritarisme des parents, elles ont souffert d’abandon, de négligence. Des hommes pour qui posséder une femme est une question de vie ou de mort, ils ne sont rien tout seuls, Violences paternelles contre eux-mêmes et les mères, relégation des femmes aux tâches domestiques. Déficit d’expression des affects.
Le crime passionnel, une affaire de famille avec très souvent des dysfonctionnements sur plusieurs générations.
Alors, le crime passionnel, normal ou pathologique ?

Beaucoup d’intérêt, de nombreuses questions.
Toutes les recherches de Patricia Mercader sont en libre lecture sur Internet. Il faut chercher les articles sur le site www.cairn.info.article avec le titre de l’article.
– L’asymétrie des comportements amoureux : violences et passions dans le crime passionnel.
– Les déterminants sociaux et psychiques du crime dit « passionnel ».
– L’instruction d’une affaire de crime dut passionnel, comme construction d’un récit.
– Froid comme l’enfer : les femmes battues qui tuent.
– Le crime d’une femme séduite : conscience dominée, résistances et régressions.
Pour celles et ceux qui n’ont pas accès à Internet, demander les articles à Françoise qui peut en faire des copies.