N° 16 – DU MUR AUX MURS

Olivier MASSOT – Avocat – Docteur en Droit – 29 avril 2015 – 30 participants. En partenariat avec la MJC SUD Centre Social d’Annemasse – Le Perrier
Le mur est une séparation, une limite, une frontière. Il n’est pas nécessairement physique mais est avant tout symbolique. Qu’en est-il des murs dans notre société ?

Dans le monde, des murs s’érigent, se multiplient, mur en Israël, mur entre les USA et le Mexique, mur pour protéger l’Europe des migrants du sud …
Dans l’histoire, ce ne sont pas les premiers murs : Muraille de Chine, Mur d’Hadrien, fortification en pierre et en tourbe construite à partir de 122 après J.-C. par les Romains sur toute la largeur de l’Angleterre pour protéger le sud de l’île des attaques des tribus calédoniennes de l’actuelle Écosse. Le mur est dans ce cas une frontière pour se protéger des barbares, barbares étant ceux qui ne parlent pas la langue du groupe. Quand les jumeaux Romulus et Rémus décident de fonder une ville, c’est Romulus qui est désigné par les augures. Alors qu’il trace le pomœrium, sillon sacré délimitant la ville, soulevant l’araire pour ménager des portes, son frère Rémus, pour se moquer de la faiblesse de la ville nouvelle, franchit d’un pas ce rempart symbolique. Aussitôt Romulus le tue en songeant à l’adage Insociabile regnum (« Le pouvoir ne se partage pas ») marquant ainsi tout aussi symboliquement l’intransigeance sourcilleuse de Rome devant toute incursion malveillante. Le mur peut-être une barrière psychologique comme celui entre la société civile et l’espace militaire : pendant une période (de tyrannie par exemple) civils et militaires sont ensemble pour régler une situation et ensuite la période militaire est fermée. Le groupe, les Grecs par exemple, à l’intérieur du mur, se raconte son histoire. Mais qu’en est-il de l’Autre ? La Parabole du bateau de Thésée est une expérimentation de pensée utilisée depuis l’Antiquité touchant au problème de l’identité et de la persistance à travers le temps du Même et de l’Autre. Thésée serait parti d’Athènes combattre le Minotaure. A son retour, vainqueur, son bateau fut préservé par les Athéniens : ils retiraient les planches usées et les remplaçaient de sorte que le bateau resplendissait encore des siècles plus tard. Deux points de vue : les uns, disaient que le bateau était le même, les autres que l’entretien en avait fait un tout autre bateau.
La 3ème République est une transition entre deux monarchies, Les instituteurs publics, appelés Les Hussards noirs de la République – « Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés, sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence » d’après Charles Péguy – travaillent à la normalisation, l’uniformisation de la langue, le français est la langue de la République. A la Révolution, l’idée est de libérer l’individu pour l’émanciper : fin des corporations.
Une cité existe quand elle a ses murailles et quand elle a ses lois. Les murailles tombent, plus de cité, plus de lois, les gens deviennent des esclaves
Le mur qui protège, sur quoi on peut construire. Qui protège ? Le temple protège les tables de la loi, la famille protège ses membres. Aujourd’hui, individualisation, libéralisation, liberté universelle, on veut sortir l’individu de toutes ses contingences matérielles, famille, culture, origines. Plus de murs, c’est une abolition abstraite. Comment penser groupe dans une société d’individus ? Exemple de groupe, les Gens du voyage : décisions collectives qui ne sont pas liées à l’individu. Comment l’état peut-il répondre à des revendications communautaires et cultuelles ? On répond fraternité plutôt que laïcité.
Egalité : dans un grand nombre de métiers, autant de femmes que d’hommes et même plus. Mais problème, aux élections départementales, parité obligée entre femmes et hommes et aux élections présidentielles, une majorité d’hommes candidats. Antigone représente la figure de la désobéissance civile.
Le mur, même s’il a une existence physique existe avant sa construction. Il est d’abord dans les têtes.
Pour faire tomber les murs, développer l’échange, ce qui doit permettre non pas une uniformisation mais l’existence de nos différences. On échange nos différences, sans différences, nous n’avons plus rien à échanger.
Notre monde construit des murs partout, des murs réels, mais les hommes tenteront toujours de les franchir.
Une question hélas oh combien d’actualité : comment le berceau de la civilisation, la méditerranée, est-il devenu le plus grand des murs ?