LE PEUPLE SAHRAOUI : UNE LONGUE MARCHE VERS L’AUTODETERMINATION.

Christiane PERREGAUX –

Membre du Comité suisse de soutien au peuple sahraoui –

Professeur émérite de l’Université de Genève.

13 mars 2013   –   18 participants.

 

La double vie du peuple sahraoui : dans les camps de réfugiés au sud-ouest algérien et dans le territoire du Sahara occupé.

A quelques heures d’avion d’ici, le Sahara occidental, ex Sahara espagnol, reste trop peu connu. Le peuple sahraoui fait très rarement la une de la presse. Pourtant il ne renonce pas à son droit à l’autodétermination qui lui est confisqué, pourrait-on dire, depuis 1975. C’est de son histoire récente, de sa vie dans les camps de réfugiés dont il est question, de son organisation, de ses luttes et de ses espoirs. Un peuple qui a besoin de la solidarité internationale qui se développe en France, en Suisse et dans de nombreux pays.

Un peu d’histoire pour comprendre ce conflit oublié. Référence Wikipédia : « Le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km2 du nord-ouest de l’Afrique, bordé par la province marocaine de Tarfaya au nord, l’Algérie au nord-est, la Mauritanie à l’est et au sud, tandis que sa côte ouest donne sur l’Atlantique. En 1884, l’Espagne place ce territoire sous son protectorat ; la prise de contrôle est confirmée par la conférence de Berlin de 1884-1885. Elle établit des comptoirs commerciaux et une présence militaire. Les frontières ne sont pas clairement définies, jusqu’au traité entre la France et l’Espagne, datant du début du xxe siècle. Les tribus locales luttent contre la puissance coloniale avec l’aide du sultan marocain. Cet appui cesse lorsque ce dernier est soumis à un protectorat franco-espagnol en 1912. Le Sahara espagnol est créé à partir des territoires de Río de Oro et de Saguia el-Hamra en 1924. Il est administré en commun avec le territoire de Cap Juby (Tarfaya), séparément des territoires marocains sous protectorat espagnol. Entre octobre 1957 et avril 1958, le Maroc à la suite de l’indépendance de sa partie nord, tenta de libérer IfniTarfaya et le Sahara occidental de l’occupation espagnole sans succès.

Dès 1965, l’ONU pousse l’Espagne à décoloniser ce territoire ainsi que Cap Juby et l’enclave d’Ifni, et dans ce but d’engager des consultations avec le Maroc. Mais l’Algérie est alors en conflit ouvert avec le Maroc au sujet du tracé de leur frontière commune (guerre des sables, 1963). De plus, le Maroc et la Mauritanie ont aussi des revendications territoriales opposées sur ce territoire, le Maroc refuse de reconnaître la Mauritanie. De ce fait, les trois voisins du Sahara occidental ne parviennent pas à créer un front commun face à l’Espagne qui perpétue ainsi sa domination.

Le règlement du conflit algéro-marocain et un accord conclu entre le Maroc et la Mauritanie permettent d’unifier le front anti espagnol. Parallèlement, plusieurs groupes locaux se lancent dans la résistance armée aidé par l’armée de libération nationale marocaine issue de la lutte populaire marocaine contre l’occupation hispano-française du Maroc.

En 1975, un avis consultatif de la Cour internationale de justice confirme l’existence de liens historiques entre les populations du Sahara occidental et le Maroc, ainsi que l’ensemble mauritanien, mais conclut qu’ils ne sont pas de nature à empêcher un référendum d’autodétermination, en y rendant inapplicable la notion de terra nullius. Et le rapport stipule: <<…En revanche, la Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part. La Cour n’a donc pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale des Nations Unies quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire.>>

Quelques jours après cet avis, Hassan II, Roi du Maroc organise la marche Verte (6 novembre 1975) pour marquer la volonté d’une souveraineté marocaine sur ce territoire. Ceci amène l’Espagne à signer les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie, le 14 novembre 1975, pour officialiser le partage du territoire. Le Maroc obtient les deux tiers nord, et la Mauritanie le tiers sud ; l’Algérie et les Sahraouis ne sont pas consultés. Le retrait des troupes espagnoles, décidé peu avant la mort de Franco, s’effectue entre 1975 et 1976.

Le 27 février 1976, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est proclamée par le Front Polisario à Bir Lehlou9, au lendemain du départ du dernier soldat espagnol du territoire. Dans le même temps, la lutte armée du Front Polisario attaque par des incursions éclairs les forces marocaines et mauritaniennes qu’il considère comme de nouvelles forces d’occupation. La bataille d’Amgala en 1976 entre forces marocaines et algériennes sur le territoire du Sahara occidental montre le soutien actif de l’Algérie au Polisario. Entre fin 1975 et 1976, des dizaines de milliers de Sahraouis quittent le Sahara occidental, fuyant la guerre vers les camps de réfugiés de Tindouf en Algérie, encadrés par le Polisario.

Après le putsch en Mauritanie qui renverse Moktar Ould Daddah en juillet 1978, le Front Polisario déclare un cessez-le-feu unilatéral avec Nouakchott10. Le cessez-le-feu est approuvé par l’ONU11 et le 10 août 1979 un traité de paix est signé dans lequel la Mauritanie cède sa partie du Sahara au Front Polisario10. Le 14 août 1979, le Maroc annonce l’annexion de l’ancien territoire mauritanien.

Dans les années 1980, le Maroc érige un mur de défense qui sépare le territoire en deux, les 20 % à l’est du mur étant désormais sous le contrôle du Front Polisario. Une guerre d’embuscades avec le Front Polisario prend fin en 1991 suite à un cessez-le-feu favorisé par la médiation de l’Organisation des Nations unies ; un référendum organisé par les Nations unies sur le statut final a été reporté à plusieurs reprises. »

Ces années d’occupation,  de conflits, de cessez-le-feu ne peuvent faire oublier les drames humains qui en découlent, morts, disparus, familles séparées, amputations dues aux mines anti-personnelles, précarité, épidémies, exode, pauvreté, souffrances des femmes et des enfants. Une partie de la population reste dans les territoires occupés et de nombreux autres vivent dans les camps de réfugiés en Algérie. Le Maroc a érigé le mur de séparation de plus de 2 000 km qui va du Maroc, à la frontière de l’Algérie jusqu’au sud à l’océan. Ce mur qui sécurise son exploitation des phosphates est miné ce qui provoque de nombreux accidents. Le Front Polisario s’est engagé à détruire les mines anti-personnelles en signant l’accord de Genève mais elles sont difficiles à repérer car elles bougent avec le vent.

16 ans de guerre entre armée marocaine et armée sahraouie mais aucune action terroriste de la part des Sahraouis, combattant contre combattants, jamais contre des civils. Beaucoup de morts, beaucoup de prisonniers des geôles marocaines qui ne sont pas revenus après le cessez-le-feu de 1991. En 1991, tout le monde a cru au choix à l’autodétermination par référendum et a espéré quitter les camps mais il n’y a jamais eu de référendum d’où désespoir, dépression collective. L’ONU a un plan de paix mais qui ne se concrétise pas. Elle a   mis en place des forces onusiennes pour surveiller le cessez-le-feu. Chaque année, fin avril, le Conseil de sécurité se réunit pour décider de la poursuite de cette surveillance. Mais pas d’élargissement du mandat aux Droits de l’homme, d’ailleurs la France s’est toujours opposé à cet élargissement.

Un peuple séparé en deux, une partie dans les territoires occupés, une autre dans les camps. A l’origine nomade, la population a été sédentarisée, déjà par les Espagnols qui avaient besoin de main-d’œuvre pour les phosphates. Le peuple sahraoui est constitué de différentes tribus qui se réunissent pour prendre des décisions en commun. Ceux qui pourront voter devront être sahraouis de naissance.

Il n’y a pas de statistiques précises sur le nombre de Sahraouis dans les territoires occupés ni sur la diaspora. Dans les camps le HCR annonce 200 000. L’Algérie a recueilli les exilés dans le sud-ouest, près de Tindouf. Ces camps vivent de l’aide humanitaire. Il y a beaucoup de problèmes pour les populations vulnérables. L’école est organisée dans les camps, d’abord sur le sable et maintenant dans bâtiments construits par les Sahraouis en briques de terre ; peu à peu, des étudiants qui ont fait leurs études en Algérie, en Espagne, en France, à Cuba reviennent pour enseigner, des écoles de femmes ont vu le jour. Pour les Sahraouis, l’éducation est très importante mais beaucoup de ceux qui reviennent après des études à l’étranger ne peuvent pas transmettre tout leur savoir dans les camps. La langue commune est un dialecte très proche de l’arabe littéraire et les enfants apprenne l’arabe et au bout de trois ans, l’espagnol.

Dans les territoires occupés, les nomades sont sédentarisés, vivent dans les villes, travaillent dans les mines de phosphates, sont pêcheurs, commerçants. D’autres sont partis en Europe. Une société civile est en train de s’organiser, protestation pacifique, camp mais ces mouvements sont réprimés, des activistes arrêtés, les camps détruits (Novembre 2010)

Les atteintes aux droits de l’homme sont flagrantes, interdiction par le Maroc du droit de réunion, d’association, restriction à la liberté de mouvement, confiscation des passeports des activistes, arrestations arbitraires, torture, mauvais traitements dans les centres de détention marocains, disparitions, détention sans inculpation ni procédure régulière, défenseurs des droits de l’homme condamnés par un tribunal militaire, pas d’accès à la justice pour les victimes … Sans parler des atteintes et de la négation même des droits économiques, sociaux et culturels du peuple sahraoui et la spoliation des ressources naturelles du Sahara occidental.

Aucun pays ne reconnaît la domination du Maroc sur le territoire du Sahara occidental et pourtant aucun pays n’oblige au respect des termes de la résolution de la Cour internationale de Justice quant à la décolonisation et à l’organisation d’une référendum portant sur l’autodétermination du peuple sahraoui.

Le dernier Conseil des Droits de l’Homme, en mars 2013, à Genève a rédigé un rapport sévère sur la responsabilité du Maroc mais aussi sur celle de la communauté internationale quant à la situation des Droits de l’Homme dans les territoires occupés du Sahara occidental.

Nous avons vécu cette soirée avec Christiane, femme engagée et courageuse et avec le témoignage d’un Sahraoui des territoires occupés, Abdallahy Judda, présent à l’ONU, comme un moment très fort de découverte d’une situation, d’un pays, d’un peuple que nous ne pourrons oublier et dont le devenir ne pourra plus nous être indifférent car maintenant, nous savons.

Contacts : Comité suisse de soutien au peuple sahraoui – Vauroux 2 – 2022 BEVAUX   et   Case postale 177 – 1211 Genève 8

E-mail : contact@sahraoui.ch  –

Sites : arso.org (Ass.de soutien à un référendum libre et régulier au Sahara occidental) et saharadoc.wondpress.com/codapso/

La revue « Nouvelles sahraouies » paraît 4 fois par an