BILLET D’HUMEUR N° 3 – AVRIL 2014

De tout temps l’homme a marché, pris le chemin, la route, seul ou en famille, avec son clan, son ethnie, ses pairs, par obligation, par désespoir, par peur, pour la survie. Mais aussi pour porter la bonne parole, pour remercie son dieu d’un cadeau ou pour expier une faute. Il a marché aussi pour commercer, échanger, partager son savoir-faire. Il a marché pour trouver de plus verts pâturages, une meilleure vie. Partir, quitter son foyer, ses habitudes, son monde ce peut être une quête, ce peut être une fuite. Partir et revenir pour témoigner des rencontres, des cultures, des gens et réintégrer sa vie, c’est une richesse de l’âme et du cœur qu’il est merveilleux de partager. Partir sans espoir de retour c’est un déchirement, c’est un deuil.
Prendre le chemin c’est aussi chercher à se connaître, chercher ses limites et essayer de les dépasser. C’est aussi revenir différent et peut être meilleur.
Combien de ces récits de voyages ont enflammé mon imagination, m’ont fait rêver à des ailleurs qui me semblaient inaccessibles ? Il y en a une multitude mais certains me restent en mémoire plus que d’autres. Les récits de la Route du sel par mes guides touarègues en plein désert algérien, de la Route de l’encens, lors d’un bivouac au Yémen. Les récits de ces jeunes hommes, ces « clochards célestes » en quête d’absolu de la Beat Génération, Jack Kérouac, Allen Ginsberg, William S Burroughs. Les grands chercheurs et explorateurs qu’étaient Théodore Monod, Ella Maillard, Nicolas Bouvier, Annemarie Schwarzenbach et bien d’autres encore. Et du temps de ma jeunesse, Pierre Loti, Joseph Conrad, Alexandra David-Neel, Robert Louis Stevenson, Jack London …
Aujourd’hui, les hommes qui marchent par milliers sont ceux de l’exil, de la guerre. Ils fuient les persécutions, les combats, les horreurs. Ils fuient la famine et le manque d’espoir. Ils fuient l’esclavage et la mort. Nous sommes bien loin des voyages formateurs et romantiques, des voyages apprentissage et découverte. Nous sommes comme des voyeurs devant nos écrans presque habitués à tant d’horreur et de misère car tout cela se répète inexorablement, un conflit, un exil en chassant un autre. Nous sommes touchés en plein cœur par tant de misère et désespérés de ne savoir que faire.
Pourtant, aujourd’hui encore, toujours, des hommes et des femmes partent de leur plein gré, pour aller à la rencontre de l’autre ou d’eux-mêmes, à la découverte de nouveaux paysages et d’autres cultures, ancestrales, rares ou même inconnues. Ils reviennent pour témoigner, pour nous faire partager leurs émotions, leurs découvertes, leurs émerveillements mais aussi les difficultés, les déceptions. Pour nous faire rêver, pour nous ouvrir au monde, et peut être, nous donner des ailes pour nous arracher à notre quotidien. Alors pourquoi ne pas faire de ces récits de voyage le « fil rouge » de notre saison 2014/2015 ? Pourquoi ne pas accueillir de simples voyageurs plein de passion comme des écrivains devenus voyageurs ? Ou des voyageurs devenus écrivains ? C’est ce que je voudrais proposer et déjà quelques pistes se dessinent : Compostelle (nous connaissons mais chaque chemin est personnel), Jérusalem, la France profonde et d’autres surprises … Et j’attends vos idées avec impatience et confiance. Nous avons bien besoin de cette respiration dans ces temps difficiles à vivre et à comprendre.

A lire un récit de voyage et de quête d’aujourd’hui : « Wild – marcher pour se retrouver » de Cheryl STRAYED.
Françoise Surette