UNE SÉLECTION DE LIVRES SUR LA VIOLENCE ET LA DÉLINQUANCE.

• L’enfant et la vie familiale sous l’ancien régime – Philippe ARIES (1960). La famille du Moyen Age n’a pas vraiment de fonction affective et l’enfant est très vite rejeté dans la société des adultes. À partir du 17e siècle, sous l’effet d’un courant de moralisation porté par l’Église et l’État, on passe d’un modèle de famille ouverte sur la société des adultes à un modèle de famille nucléaire fermé, où l’enfant devient l’objet de toutes les attentions. Cette mutation liée au processus d’éducation s’accompagne, dans la famille, d’un surinvestissement affectif à l’égard des enfants, dans une société de plus en plus malthusienne. La lecture de cet ouvrage permet de relativiser considérablement l’impression (fausse) selon laquelle, les parents « démissionneraient » de leur fonction éducative et selon laquelle « avant », il y avait moins de violence dans les relations parents / enfants.

• Violences urbaines, violences sociales : genèse des nouvelles classes dangereuses – Stéphane BEAUD – Michel PIALOUX – Fayart – 2003. Un ouvrage qui date, mais une analyse qui n’a pas pris une ride. Une passionnante réflexion de la part de deux sociologues du travail, spécialiste de la classe ouvrière. Bien utile pour interroger nos représentations et porter un regard dépassionné sur la violence dans les « banlieues ».

• Les formes de la violence – Xavier CRETTIEZ – La Découverte – coll. Repères – 2008. Une synthèse claire et concise sur les processus d’adhésion à la violence, les logiques de la violence en démocratie, sur les violences sociales et la violence d’état, sur les violences extrêmes : violences de masse et terrorisation. Mais presque rien sur le vol, rien sur la violence symbolique. Et c’est un ouvrage de la collection « Repères »…

• Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours – Jean Claude CHENAIS – R. LAFFONT – 1981. Un « pavé » (près de 500 pages !) incontournable pour prendre du recul et lever ce paradoxe : montée du sentiment d’insécurité en Occident au moment où l’insécurité réelle diminue, jusqu’à devenir presque insignifiante par rapport à ce qu’elle a été.
2 parties : violence privée / violences collectives
Peu de choses sur le vol, ni sur les violences symboliques.

• La civilisation des mœurs – Norbert ELIAS Calman Lévy – 1973 (pour la traduction française). Publiée dans les années trente, inspirée par la psychanalyse freudienne, et par un modèle diffusionniste (les normes aristocratiques ont tendance, au fil du temps, à se diffuser dans les classes sociales inférieures), N. Elias explique comment, depuis la Renaissance, l’autocontrôle de l’animalité et de l’agressivité est devenu une exigence sociale engageant les pays occidentaux dans un processus de « civilisation » des mœurs. Ouvrage très critiqué pour son déterminisme, mais incontournable.

• Surveiller et punir – Michel FOUCAULT – 1975. Un livre difficile d’accès, mais magistral et perturbant. S’il a fait scandale lors de sa parution, il a aussi été à l’origine d’une réflexion féconde sur la réforme des institutions hospitalières, psychiatriques et pénitentiaires. En se basant sur la disparition du supplice et de ses démonstrations sanguinaires, il montre comment la manifestation du pouvoir dans la punition est passée, en moins d’un siècle, du domaine public – il fallait que le peuple assiste à la démonstration de force – au secret tabou; comment la sanction physique sur le corps des condamnés se transforme en volonté de correction de l’âme; comment à la visée punitive de la sanction se substitue une visée normalisatrice par la généralisation de la discipline inspirée du monde monastique; comment dorénavant, l’idéal du Panopticon est partout : l’individu est isolé mais toujours visible, tandis que le pouvoir est devenu indiscernable et invisible.
Contrôle des individus, dressage des corps, développement du système carcéral… Pour Michel Foucault, le pouvoir des sociétés modernes repose sur une organisation minutieuse de la discipline.

• L’invention de la violence – Laurent MUCCHIELLI. Un livre incontournable pour interpréter de manière rigoureuse les statistiques sur la délinquance et pour déconstruire le mythe d’une société qui serait de plus en plus violente et qui explique de manière pédagogique d’où vient ce sentiment envahissant d’insécurité et d’impuissance face à une délinquance qui est d’abord une construction sociale et historique.
En fin d’ouvrage, une bibliographie exhaustive et une présentation rigoureuse de la réponse à la question suivante : comment mesurer la délinquance ?

• La force de l’ordre. Une anthropologie des quartiers – Didier FASSIN. Le sociologue a partagé pendant près de deux ans le quotidien d’une brigade anti-criminalité de la région parisienne. Loin des imaginaires que nourrissent le cinéma et les séries télévisées, il raconte le désœuvrement et l’ennui des policiers, la pression du chiffre, les doutes du métier, les formes invisibles de violence et les manifestations méconnues des discriminations. Passionnant !

• Sociologie de la violence – Laurent MUCCHIELLI – 2014. Le sociologue – LE spécialiste de l’étude de la délinquance en France aujourd’hui – explore ici les trois aspects fondamentaux de la délinquance. D’abord, la production des normes, qui ne cesse de redéfinir les contours d’une notion propre à une société donnée, à un moment donné de son histoire. Ensuite, les mécanismes de transgression, qui sont à la fois complexes et variés. Loin de se limiter aux phénomènes les plus visibles, tels que les délinquances juvéniles ou les violences physiques et sexuelles, il nous entraîne aussi dans les méandres de la délinquance des élites économiques et politiques, ainsi que dans les multiples formes de violence politiques et de crime organisé. Enfin, les réactions sociales qui vont de l’indifférence aux poursuites policières et judiciaires, au terme de profondes inégalités sociales.
Voir aussi : http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?

• La violence des riches – Michel PINÇON et Monique PINÇON-CHARLOT. Le couple des deux sociologues (retraités !) spécialiste de la Bourgeoisie en France propose une analyse cinglante d’un des aspects de la violence symbolique. S’il manque parfois la rigueur de l’analyse, les faits précis sur lesquels ils s’appuient confirme le fait que la violence aujourd’hui n’est pas seulement là où elle éclate au grand jour, en produisant un vacarme médiatique.
A noter : l’ouvrage est désormais en accès libre ici :
http://www.editions-zones.fr/spip.php?page=lyberplayer&id_article=176