LA DETTE PUBLIQUE : FAUX DEBATS ET VRAIS ENJEUX

S’il est une question difficile qui concerne néanmoins chacun d’entre nous, c’est bien celle-ci : comment sortir de l’ornière financière dans laquelle nous nous trouvons ?
A écouter ce qui se dit au comptoir des bars et dans les chaumières, on prend conscience d’un certain déficit de culture économique chez nos concitoyens…
Que de confusions fâcheuses sur ce qu’est la dette publique ! Que de difficultés pour en expliquer l’origine ! Que de catastrophisme aussi, attisé par les gros titres d’une presse à sensation et par une partie de la classe politique qui utilisent la peur pour tenter de convaincre. Simplisme, enfin, des solutions préconisées par certains, comme s’il suffisait de mettre en œuvre quelques « YAKA » pour régler le problème…
Nous faisons l’hypothèse que la complexité des mécanismes en jeu – qu’il ne s’agit pas de nier – est néanmoins intelligible à toute personne qui consent à faire quelques efforts pour comprendre et veut bien faire preuve d’un minimum de bonne foi.
Pour cela, nous rappellerons d’abord brièvement un certain nombre de mécanismes économiques de base, et de faits qui font consensus, sur lesquels il n’y a pas à discuter :
Quelles sont les dépenses et les ressources des organismes publics ?
• Comment naît la dette de ces agents économiques ?
• Qui prête, puisque certains empruntent ? Dans quels buts ?
Nous pourrons ensuite dresser un état des lieux :
• Comment l’endettement public a t-il évolué au cours de l’histoire ?
• En quoi cette dette publique est-elle aujourd’hui devenue préoccupante ? (après tout, s’endetter n’est pas, par nature, un problème, c’est même le plus souvent une solution)
• Pourquoi le « problème » de la dette publique mérite-t-il d’être relativisé ?
Ce diagnostic posé, il s’agira ensuite d’expliquer comment on en est arrivé là. Ce qui permettra de montrer que les responsabilités sont multiples et parfois lointaines, et de comprendre quels rôles ont joués la « dérégulation financière », la « titrisation » et ces fameuses « agences de notation » dans le creusement des déficits publics.
Il restera à réfléchir ensemble à LA question clé : « Et maintenant ? ».
Nous n’avons évidemment ni la prétention de prédire l’avenir, ni celle de proposer des solutions. A supposer qu’elles existent… Mais nous tenterons plus modestement d’expliquer
• pourquoi la politique économique est aujourd’hui sévèrement contrainte par l’étau européen et pourquoi elle est sous l’étroite surveillance des marchés. Ce qui conduira à répondre à une autre question : qu’est-ce que cela change, pour chacun d’entre nous ?
• comment la politique économique et sociale pourrait desserrer ce double étau ;
• pourquoi les conditions à remplir pour y parvenir renvoient à des choix de société qui mériteraient d’être sereinement débattus.

PLAN DETAILLÉ

Introduction
I/ DE QUOI PARLE T’ON ?
A/ Ressources publiques et dépenses publiques
B/ Du déficit public à la dette publique
C/ Qui sont les créanciers ?

II/ UN ETAT DES LIEUX
A/ Tendances et situation actuelle
B/ Où est le problème ?
C/ Un problème à relativiser

III/ COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
A/ Des causes profondes et lointaines
B/ Des causes conjoncturelles
C/ Des marchés financiers devenus fous ?

IV/ ET MAINTENANT ?
A/ L’étau européen
B/ Sous l’œil des marchés
C/ Des choix de société

Conclusion : une occasion ratée ?

POUR ALLER PLUS LOIN

DEUX FILMS
• « Wall Street contre Cleveland »
Ce documentaire-fiction franco-suisse relate la crise des subprimes qui touche Cleveland où des familles se sont faits expulser de leurs maisons suite au non remboursement de leurs crédits. Le film retrace un procès fictif mais avec des protagonistes bien réels. Ce documentaire-fiction a reçu le César du meilleur documentaire en 2011.
• « Inside Job »
« La crise de 2008 était évitable ». Voilà comment débute le documentaire incisif de Charles Ferguson. Avec des témoignages de marque comme ceux de Christine Lagarde, Daniel Alpert et William Ackman, le long-métrage dénonce les dérives qui ont provoqué la crise de 2008. La qualité du travail de recherche du documentaire lui a valu l’oscar 2011 du meilleur film documentaire.

QUELQUES LECTURES
 David GRAEBER, Dette, 5 000 ans d’histoire. Editions qui libèrent – Sept 2013 – Une thèse décapante de « l’anthropologue anarchiste » (comme il se définit) : son histoire de la dette est un best-seller aux Etats-Unis. Et pour cause : il milite pour qu’on efface l’ardoise…
 Patrick ARTUS, Isabelle GRAVET, La crise de l’euro, Armand Colin, 2012.
Patrick Artus (directeur des Etudes économiques et de la recherche de Natixis) et Isabelle Gravet (professeure de SES) viennent de publier cet ouvrage consacré à la crise de l’euro, très clair et très pédagogique sur la question des dettes souveraines dans l’Union européenne.
 Olivier BERRUYER, Stop ! Tirons les leçons de la crise, 2011 Yves Michel
Une analyse pédagogique des mécanismes qui ont conduit à la crise de 2008 / 2012
 Paul KRUGMAN, Sortez nous de cette crise… maintenant ! Flammarion 2012
Une analyse keynésienne des erreurs politiques qui ont conduit à la crise, de la part du plus médiatique des prix Nobel d’économie
 La dette et ses crises, Alternatives économiques, hors série n° 91, 1er trim 2012
Une série de petits articles pédagogiques sur les différents aspects de la crise de la dette. A commander sur le site d’Alternatives économiques.

DES ARTICLES SUR LE NET
 http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/economie-krach-boom-mue/film-animation-crise.html
 http://vimeo.com/19046084
Deux petits films d’animation de 5 mn, très pédagogiques qui aident à comprendre les mécanismes de diffusion de la crise financière au monde entier.

PETIT GLOSSAIRE DE LA DETTE
OBLIGATION
Il s’agit d’un titre de créance, émis par un agent économique (entreprise, état, collectivités locales importantes) sur les marchés financiers et qui lui permet d’emprunter une somme d’argent, pour une durée déterminée et moyennant le paiement d’un taux d’intérêt au créancier (l’agent économique qui achète cette obligation). Il est possible à cet agent économique de vendre cette obligation avant le terme.
C’est par ce canal que l’état emprunte l’essentiel des sommes d’argent qu’il dépense et qu’il ne reçoit pas par les impôts prélevés.
TITRISATION
La titrisation consiste à agglomérer un ensemble de créances bancaires de sorte que leur montant soit suffisamment important pour pouvoir être ensuite découpé en un grand nombre de titres. L’avantage, pour la banque, est qu’elle allège ainsi l’actif de son bilan et fait porter par d’autres le risque inhérent aux prêts accordés. L’opération suppose qu’une agence de notation décerne une note en fonction du risque ainsi transféré. Mais le mécanisme pousse également les banques à accepter de prêter à des emprunteurs à risque élevé.
CDO
Les Collateralised Debt Obligations sont une des multiples déclinaisons possibles de ce que l’on appelle les produits dérivés. Ce sont des titres dont la valeur est fonction de l’évolution du cours d’un autre titre (des monnaies, des taux d’intérêts, des obligations, des matières premières…, d’où le terme «collatéral»). En l’occurrence, le titre est un agrégat d’une centaine (voire davantage) d’obligations et de créances (prêts bancaires) et même parfois d’actions non cotées, commercialisé par des organismes financiers spécialisés auprès de banques ou d’organismes gérant de l’épargne et désireux d’augmenter la rentabilité de leurs placements, en acquérant des titres de dettes émis à des taux d’intérêt plus élevés parce que plus risqués.

SUBPRIME
Un crédit immobilier « subprime » désigne un prêt immobilier « à risque », car consenti à des ménages dont la solvabilité est fragile, qui risquent donc de ne pas pouvoir payer les mensualités de remboursement. Pour compenser ce risque, ce prêt est accordé à un taux d’intérêt très élevé – une « sur-prime » – ce qui lui confère un rendement important pour la banque créancière.