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Récits insolites de Philippe Leclercq: « Le testament d’Adam ». Expéditions coloniales françaises au Brésil aux XVIè et XVIIè siècles

La Roche sur Foron - Médiathèque Salle Hélène BLANC
Jeudi 21 mars 2019 20:00

« Le testament d’Adam ». Expéditions coloniales françaises au Brésil aux XVIè et XVIIè siècles



 

« Je voudrais bien voir la clause du testament d’Adam qui m’exclut du partage du monde » aurait dit François Ier à propos du traité de Tordesillas départageant le Nouveau Monde entre Espagnols et Portugais. Or dès la découverte officielle du Brésil en 1501 par le Portugais Alvares Cabral, on constate la présence de navires français, particulièrement normands, dans ces parages riches en « bois brésil » et autres produits exotiques. Les Français auraient-ils été les premiers à découvrir ces côtes ?

Plus tard, à un moment où les Portugais sont bien installés au Brésil et l’organisent en possession durable, Henri II autorise en 1554 Gaspard de Coligny à envoyer une flotte sous le commandement de Nicolas de Villegagnon, destinée à fonder au Brésil une colonie où les protestants français pourraient pratiquer librement leur religion. C’est la « France Antarctique », dans la baie de Guanabara, aux alentours de l’actuelle Rio de Janeiro, aventure improbable, durant laquelle, cherchant à rallier les populations indiennes et à faire pièce aux Portugais, des Français faméliques en proie à la famine et à la maladie se déchirent dans des querelles théologiques au dénouement tragique.

Une soixantaine d’années plus tard, en 1612, une autre expédition, commanditée par Henri IV juste avant sa mort et entérinée par la régente Marie de Médicis, aborde sur la côte nord du Brésil, dans le « Maragnan ». Daniel de la Touche, seigneur de la Ravardière et l’amiral François de Razilly, à la tête de 500 colons y fondent la ville actuelle de Sao Luis, en l’honneur de Louis XIII. Cette « France équinoxiale » est rapidement chassée par les Portugais en 1615.

Ces deux expéditions nous sont relatées par des ouvrages célèbres. La première par André Thevet, futur cosmographe du roi auteur des « Singularitez de la France Antarctique », et surtout Jean de Léry, et sa fameuse « Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil » livres considérés comme les premiers véritables documents ethnographiques légués par le XVIè siècle sur les Indiens du Brésil.  Egalement l’Histoire de la mission des pères Capucins en l'Isle de Maragnan et terres circonvoisines par les pères capucins Claude d’Abbeville et Yves d’Evreux, relatent, mais dans un autre esprit, l’histoire de l’expédition du Maragnan.

Pourquoi évoquer ces expéditions finalement peu glorieuses ? Certes, elles mettent en scène des personnages singuliers (« seconds couteaux » de l’histoire ou anonymes) au destin étrange, embarqués dans des aventures invraisemblables qui retiendront notre attention. Mais les ouvrages qui les relatent nous livrent aussi par procuration l'événement inouï d'une rencontre réciproque d'un Autre inimaginable,  expérience désormais interdite. Ils sont parmi ceux, rares, qui permettent de tendre l’oreille vers la voix de ces « sauvages », de tenter d’écouter leur parole à travers les mots et les témoignages forcément déformés ou déformants des Européens qui en parlent. D’écouter particulièrement leur résistance, telle qu’on peut la percevoir au détour de récits qui oscillent entre la sympathie, la condamnation, voire l’utilisation à des fins philosophiques ou moralisantes.