N° 8 – INFO DU MOIS – JUIN 2017

Ce qui nous intéresse aujourd’hui ce sont les élections en cours, tellement différentes des précédentes. Ce qui interroge particulièrement c’est le taux d’abstention. Après le 1er tour des Législatives, nous avons déjà un aperçu de ce que sera la prochaine Assemblée. Nous voyons la dislocation des partis de la 5ème république, droite et gaude, LR et PS, aspirés par la vague En Marche. Nouveaux élus pour un gouvernement de composition inédite : des gens de gauche et de droite et pour certains qui ont été ministres dans les gouvernements précédents gauche et droite. Une partie vient de la société civile.
Pourquoi cette vague Macron ? L’opinion quasi générale qui traverse notre société depuis des années est celle du rejet d’une classe politique considérée comme corrompue et dont on met en cause un fonctionnement, y compris juridiquement, en contradiction avec ce qui est imposé aux citoyens ordinaires. Les politiques se sont garanti des privilèges qui soi-disant auraient disparu à la révolution. L’opinion publique met en doute leur honnêteté, leur probité, leurs comportements individuels et collectifs. Et en face d’eux aujourd’hui un prétendant de 39 ans, qui, à priori sur l’honnêteté, n’a rien à se reprocher et qui a un discours d’apaisement et de rassemblement recherché par tous.
Abstentions : c’est un problème très sérieux, un Français sur 2 qui ne vote pas c’est grave pour la démocratie. C’est, on peut dire, un Français sur 2 qui n’a pas de « père », qui est orphelin politiquement. Personne ne répond à ce que ces Français attendent et réclament. Encore faut-il savoir ce qu’ils veulent pour y répondre. On a perdu la culture parlementaire, c’est-à-dire la culture du débat et c’est grave car la plupart des abstentionnistes sont des jeunes, c’est donc que la transmission des valeurs démocratiques universelles ne se fait pas. C’est un défaut d’éducation citoyenne : il faut interroger les familles, l’école, la société toute entière. C’est assez catastrophique. Il faudra interroger les politiques, ne pas les laisser tranquilles en matière d’éducation citoyenne.
Société civile. Aujourd’hui, un grand nombre de nouveaux élus n’a pas d’expérience politique mais c’est vrai de tout temps : c’est vrai par exemple Irène Joliot-Curie – André Malraux – Simone Weil – Raymond Barre – René Monory – Bernard Kouchner – Tapie – Christine Lagarde, Martin Hirsch – Nicolas Hulot. Les politiques entre eux ont l’habitude d’avoir des affrontements idéologiques mais cette société civile raisonne de façon technique, à partir des expertises, ces élus ont raison en termes d’expertises mais ils ne sont pas dans le compromis. Et le gouvernement est donc formé de politiques de divers partis et d’experts et ce ne sera pas simple pour qu’ils travaillent ensemble. Les Grecs se posaient déjà la question : comment gouverner avec des gens qui ont des opinions différentes et qui représentent la société civile. Difficile mais pas impossible.
C’est peut être même un facteur de démocratie de faire entrer des experts à la place de politiques qui n’en sont pas, qui ne connaissent plus rien de ce qui se passe au niveau des gens et qui ont laissé tomber les citoyens. La grande masse de la société civile n’imagine pas être un jour sollicitée, parce que depuis toujours, les personnes invitées à s’engager en politique doivent avoir du temps et de l‘argent. Il n’y a pas de statut de l’élu ce qui veut dire que chacun pourrait prendre des responsabilités politiques.
2ème tour des Législatives : prévision de chiffres jamais atteints pour une majorité, avec une majorité absolue qui ne sera pas facile à gouverner. Désordre et frictions probables. Discipline et autorité seront nécessaires et déjà il y a l’affaire Bayrou … Ce qui doit nous interroger collectivement, nous qui nous disons, « pourquoi pas, allons-y », c’est une majorité mais pour quelle politique. Ces interrogations vont se poser dès le lendemain du 2ème tour, dès les 1ères mesures, par rapport à des réalités sociales, territoriales, économiques. 1ère mesure, moralisation de la vie politique mais les questions essentielles qui vont se poser très vite ce sont l’Europe, la loi travail et le travail, la transition écologique, l’éducation et la démocratie.

Europe, le danger de grand désordre européen a été écarté car Macron a retrouvé sur le plan international un consensus et notamment avec l’Allemagne. Avec Merkel : pertinence de l’axe franco-allemand – réaffirmation de réviser la directive des travailleurs détachés, volonté commune sur l’élaboration d’un budget commun de la zone euro, et projet de prendre en charge collectivement la révision des traités. La France a su dire à l’Allemagne de ne pas faire cavalier seul trop souvent, par exemple en prenant une grande partie des investissements étrangers au détriment des pays du sud. Les disfonctionnements de l’Europe sont pris en compte et cela est positif. La banque mondiale déplore la permanence du chômage élevé et sous-estimé en Grande Bretagne et en Allemagne – la faiblesse de la rémunération du travail.

Loi Travail : par ordonnance, avec pour objectifs principaux : élargir les accords d’entreprises, plafonner les indemnités prud’homales à condition que ce processus soit engagé dans de bonnes conditions, avec un calendrier à long terme qui donnera le temps au dialogue social. Mais si c’est le contraire, l’opposition sera dans la rue.
Dossier transition écologique : réforme au coût vertigineux parce qu’elle touche à tout, l’emploi, les syndicats, les patrons, les politiques … Deux enjeux, l’un symbolique : maintien, annulation ou aménagement de l’aéroport de Notre Dame des Landes. Et là on a tout fait, même un référendum, un processus démocratique, donc que peut faire le gouvernement ? Enjeu de la transition avec de nouveaux modèles économiques. Financement prévu : à hauteur de 30 milliards pendant 5 ans mais les scientifiques disent qu’il faudrait le double. Hulot dit 50 milliards tout de suite et là il faut les trouver. Affrontement idéologique au sein du gouvernement sur la question donc incertitude. On a par exemple Bruno Lemaire qui était contre le fait de mettre autant d’argent sur des projets écologiques qui ne dit rien. La plupart des républicains n’ont jamais été très forts sur la réforme écologique. Et par quoi on commence ?

Education : Jean-Michel Blanquer, nouveau ministre de l’éducation et ancien bras droit de Luc Chatel, en tant qu’expert, a présenté sa réforme. Mise en place des classes de CP du réseau d’éducation prioritaire renforcé à 12 élèves dès la rentrée (REP+), retour à la semaine de 4 jours pour les municipalités qui le souhaitent, En collèges, rétablissement des classes bilangues, des sections européennes et du latin. Comment les parents et les professeurs vont-il prendre cette nouvelle réforme ? C’est un peu précipité, les écoles et les mairies ont avoir du mal à s’organiser. Le dialogue a manqué.

Démocratie : un chantier à ouvrir, il faudrait même Un ministre de la démocratie, mais on en est loin. Quand on considère Trump, le Brexit, le populisme en Europe on se rend compte que ce sont ceux qui vivent le plus mal, ceux qui sont laissée pour compte sur des territoires désindustrialisés, désertifiés. Nous assistons à une fracture territoriale aussi bien en France qu’en Grande Bretagne, qu’aux USA. Nous avons désormais une France métropolitaine, où on vit bien avec des emplois, des structures, de la vie culturelle et sociale, des lieux publics et une France sans vie économique, culturelle, peuplés d’oubliés, d’abandonnés. Et il y a les jeunes qui cherchent du travail et souvent n’en trouvent pas, avec des difficultés de transport, de logement. Même certaines banlieues sont abandonnées, sans transports, sans commerces … Sentiment très fort d’abandon. 60 à 62% de Français vivent dans cette France périphérique. Il est temps de les écouter et cela ne peut pas se faire sans démocratie or dans certains territoires on peut trouver des lieux, des instances pour se faire entendre et faire remonter les souhaits des citoyens. D’autre part, pour que la démocratie fonctionne, pourquoi pas des rapports sur les actions des députés, des comptes-rendus de votes, de leurs prisse de paroles, de leurs temps de présence à l’Assemblée Nationale ? Dans notre région, les CLD n’existent pratiquement plus sous le diktat de Wauquiez. (Bonne nouvelle, il se serait fait reprendre par le gouvernement.). Il faudrait déjà faire appliquer les lois qui existent, la loi Emmanuelli sur les biens de consommation sucrés, la loi Voynet pour les CLD, la loi Joxe sur l’urbanisation des villes qui doit être présentée à tous les citoyens avant d’être mis en chantier, la loi sur le démarchage à domicile, etc.

Discussion avec les participants. Education : aujourd’hui, les enfants de primaire « savent tout » par les médias, les parents mais c’est un piège car ils ne savent rien du choc des cultures, du vivre ensemble, tous n’ont pas la même capacité collective à avancer dans les apprentissages et les professeurs sont obligés d’aller vite, comme ces enfants vivent, à toute vitesse. On passe trop vite sur ce qu’il faudrait faire pour la construction d’un individu.
Un parti avec une telle majorité, un tel engouement pour Macron, n’est ce pas le signe qu’on ne fait plus appel à la pensée, qu’on ne réfléchit plus ? C’est une démocratie d’opinion générale. Par exemple le référendum c’est vraiment une catastrophe comme il existe aujourd’hui et sous couvert de démocratie c’est l’opinion qui parle et non plus la raison, la réflexion, le débat. On choisit pour ou contre et non plus pour des valeurs ou un programme mais en fonction de la rumeur et en méconnaissance du sujet parce que le débat n’existe pas.
Quant au fonctionnement du parlement, pour une véritable démocratie, il faut des débats, des avis partagés, faire appel à la pensée, aux études, aux besoins, à la demande sociale. La Démocratie est exigeante et prend du temps.

Louis CAUL-FUTY
Françoise SURETTE