INFO N° 9 – JUIN 2015

POLITIQUE
– Deux événements négatifs pour les deux partis dominants, des consensus et des divergences, fracture de l’unité de façade. Au Congrès des Républicains (ex-UMP), show Sarkozy. Pas un mot en termes de programme, uniquement des critiques du pouvoir actuel. Fillion, Juppé, hués, sifflés. Spectacle lamentable. Au Congrès du PS, l’accord astucieusement élaboré par le 1er secrétaire mis en brèche. Charge de Montebourg. Aucune vision d’avenir.
– Deux événements positifs. Espagne : un pays qui se transforme. Le parti Podemos, après 18 mois d’existence, remporte des élections régionales et municipales (Madrid-Barcelone) et a la possibilité d’accéder au pouvoir en décembre 2015. Comment se fait-il que ce parti si récent soit porté par la population et gagne alors que sur des revendications sensiblement similaires en France, progression du FN, Parti de Gauche à 3 ou 4% et abstentions en masse ? – 1er : le parti Podemos a un leader, Pablo Iglésias, 37 ans, professeur d’économie politique, issu d’un milieu populaire de tradition communiste. En France Jean Luc Mélanchon, 64 ans avec une longue carrière politique derrière lui. – 2ème : Podemos, force symbolique du mot « Nous pouvons », donne le pouvoir aux gens d’agir. Un parti qui s’appuie sur un mouvement, qui va dans les quartiers (5 à 10000 personnes), qui utilise largement les réseaux sociaux. Le Front de Gauche a une connotation ancienne, dépassée, utilise les médias. – 3ème : parce qu’il vient des quartiers, qu’il part des difficultés de la population, Podemos dépasse la culture militante. Les thèmes évoqués sont ceux proposés par la population locale, sur les réalités sociales. – 4ème : le fascisme, les Espagnols ne l’ont pas oublié, c’est moins loin que pour les Français. Nos deux partis devraient bien regarder ce qui se passe en Espagne, en Grèce.
Turquie : Recep Tayyip Erdogan est passé en 12 ans de centriste à dictateur corrompu et à un autoritarisme sans limite. Il voulait modifier la constitution pour avoir 80% des pouvoirs en tant que président. Aux élections législatives du 7 juin, son parti l’AKP subit une défaite retentissante, il perd la majorité absolue avec 40,7 % et 258 députés sur 550. Grand gagnant, le parti laïc de gauche, pro-kurde, HDP, avec à sa tête Sélahattin Demirtas, porte parole d’une autre Turquie. Avec 13%, ce sont les Kurdes qui entrent au Parlement, soit 79 députés dont 31 femmes. Les islamo-conservateurs vont être contraints de former un gouvernement de coalition et Erdogan reste un président sans grand pouvoir.

REFORME DU COLLEGE
Elle est particulièrement importante et comme lors de chaque réforme, tout le monde la réclame mais personne n’en veut. Clivage entre nostalgie de l’école traditionnelle et ceux qui veulent que l’on considère l’évolution des élèves. Même ceux qui s’opposent réclament une réforme mais les moyens pour la réaliser deviennent sujets de disputes. La Finlande, le Canada, la Pologne, l’Allemagne sont en pointe et pour cela ont procédé à des réformes colossales. Mais en France, on ne va pas voir ailleurs ce qui se passe. Dans notre système c’est toute la pédagogie qui serait à modifier et il faudrait une formation intensive des professeurs pour adopter de nouvelles pédagogies. En 1902, projet de réforme du BAC : modifier l’enseignement des langues anciennes et la réduire à une seule filière. Cette réforme n’a jamais abouti. Idem en 2015. 1937, Jean Zay, ministre de l’éducation nationale et populaire : que la capacité intellectuelle ne soit plus l’apanage des classes aisées mais soit ouverte au plus grand nombre. 1963 : création des CES, ancêtre du Collège unique, sous la pression du patronat. L’élite des lycées s’y oppose. 2015 : c’est la même élite qui crie au nivellement par le bas.
Pour comprendre, revenons à Jules Ferry. 1881/1882, enseignement primaire, école obligatoire, laïque, gratuite, universelle. C’est l’école dans laquelle entraient tous les enfants jusqu’au certificat d’études de 6 à 13 ans. 1802, création des lycées, la voie royale, payante. 1808, création du BAC avec un nombre de candidats reçus qui, de 1930 à 1948, doublera. Ce système est élitiste malgré des progrès considérables. C’est l’école de la sélection ce qui est la caractéristique de la France. C’est bien une lutte des classes qui se révèle dans les oppositions actuelles. Première Guerre Mondiale : 50% vont jusqu’au Certificat d’Etudes, 4% jusqu’au BAC. Il faudra 30 années de polémiques pour arriver à réduire cette fracture : démographie, aspiration des familles, demande du monde économique qui veut des gens formés. Années 40 Le plan Langevin-Wallon, projet global de réforme de l’enseignement et du système éducatif français élaboré à la Libération conformément au programme de gouvernement du Conseil national de la Résistance (CNR) en date du 15 mars 1944 et qui devait projeter pour la France un grand système éducatif démocratique pour lui permettre de rattraper son retard dans ce domaine décisif de la compétition avec les autres pays développés (États-Unis, Royaume-Uni…). Ordonnance du 6 janvier 1959 du Général De Gaulle qui repousse l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans. 1967, réforme avortée sur le Collège unique. 11 janvier 1975, Loi Haby qui prévoit la mise en place d’un « Collège pour tous », en continuité de l’ « Ecole pour tous », c’est le Collège unique pour tous les enfants avec un enseignement commun. Cette réforme n’est jamais passé auprès de l’élite qui n’admit pas cette égalité. 1970, 25% des élèves obtiennent le BAC, 1975/1980, 75 à 80%. C’est une réussite du collège unique. Mais depuis 20 ans, pas de grandes réformes, on n’a pas adapté l’organisation et la pédagogie à la société et les performances sont moindres. On note tout de même des performances certaines : cinq écoles de commerce classées dans les 15 premières écoles européennes, ainsi que des écoles d’ingénieurs. Mais les formations, les diplômes ne sont plus adaptés à la société et on n’enseigne pas suffisamment ce qui est porteur d’avenir. 1/6 ème des élèves sont sans rien à la sortie du collège.
Débat : veut-on encore d’un collège unique et veut-on surtout qu’il soit adapté à la réalité ? Les Républicains qui sont contre le collège unique car considéré comme un danger pour les prérogatives des élites, (Bruno Le Maire à la télévision) ont pour consigne de ne pas voter la réforme.
Expertise PISA : la France, championne des inégalités scolaires.
La réforme du collège est indispensable pour éviter la sélection. En voici les grandes lignes.
– Temps réduit pour les langues anciennes latin-grec, devenant « enseignement de complément ». Ces langues sont en option et en priorité choisies par les classées aisées.
– Des heures de langues en plus Les horaires de la première langue vivante (LV1) ne changent pas : quatre heures en 6e, puis trois heures dans les autres classes. Le ministère avait initialement prévu de réduire d’une heure les horaires de LV1 en 6e. La LV2 commencera en 5e (au lieu de la 4e actuellement). Les élèves auront 2 h 30 de LV2 en 5e et autant en 4e et 3e – soit 7 h 30 au total, contre 6 heures aujourd’hui. La réforme supprime toutefois les sections bi-langues, européennes et internationales pour éviter les « classes d’élite » et faire en sorte que tous les élèves bénéficient du même nombre d’heures. Exception faite pour les élèves qui ont étudié l’allemand ou l’espagnol au primaire plutôt que l’anglais (ce qui est souvent le cas dans les zones frontalières) : ils pourront suivre deux langues vivantes (leur première langue et l’anglais) dès la 6e.
– Programme d’histoire, thèmes obligatoires et thèmes au choix des enseignants. Droite et extrême-droite se positionnent contre en arguant que le temps choisi sera occupé à enseigner la culture de l’islam, l’histoire de la colonisation et non plus la culture judéo-chrétienne. On accuse les enseignants de choix qu’à priori ils n’ont pas encore faits. Conseil des parents pour travailler sur les choix.
– 20% de temps en autogestion. Parents d’élèves et certains syndicats sont plutôt d’accord. Les équipes des collèges auront à leur disposition une enveloppe d’heures (2 h 45 par semaine et par classe à la rentrée 2016, trois heures à la rentrée 2017) pour organiser, en fonction des besoins de leurs élèves, du travail en petits groupes ou des interventions de plusieurs enseignants en classe.
– Interdisciplinarité : les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Plusieurs matières en même temps, plusieurs professeurs ensemble pour construire et produire un projet. Huit thèmes ont été définis : « développement durable », « information, communication et citoyenneté », « langues et cultures de l’Antiquité », « langues et cultures étrangères ou régionales », « monde économique et professionnel », « corps, santé, sécurité », « culture et création artistiques », « sciences et société ». Les EPI commenceront en 5e, à raison de trois heures par semaine maximum. Les élèves en suivront au moins deux par an. Soit six modules – sur les huit – à l’issue de leur scolarité au collège.
– L’accompagnement personnalisé : Il est destiné à « soutenir la capacité d’apprendre de progresser » des élèves, « à améliorer leur performance et à contribuer à la construction de leur autonomie intellectuelle », indique le projet d’arrêté soumis vendredi à la communauté éducative. En 6e, les élèves auront trois heures par semaine d’accompagnement personnalisé, au moins une heure en 5e, 4e, et 3e.
A suivre tout au long de l’année pour une mise en route à la rentrée 2016-2017.
Bon été à tous
Louis Caul-Futy Françoise Surette