INFO N° 6 – AVRIL 2014

UKRAINE : Après l’annexion d’une partie de la Crimée, la Russie s’est lancée dans une action de déstabilisation dans le but de briser l’Ukraine. La Russie ne veut pas d’une démocratie à ses frontières, d’une Ukraine indépendante et souveraine qui conclurait un partenariat avec l’Europe. Ce serait une défaite personnelle pour Poutine, et pour lui il vaut mieux démanteler le pays. Une partie à l’est de l’Ukraine est attachée à la Russie. Des militants pro-russes s’emparent des institutions des grandes villes avec le soutien de la population et de soldats russes masqués. A la frontière, 40 000 soldats russes sont prêts à intervenir au 1er mort, au prétexte du droit d’intervention, pour ramener la paix. C’est une opération bien organisée qui va très certainement arriver à ses fins. Poutine est pour un fédéralisme. Une nouvelle constitution permettrait à la partie est de l’Ukraine de conclure un partenariat étroit avec la Russie et de ce fait le pays tout entier ne pourrait plus se rapprocher de l’Europe. Ce serait une mise sous tutelle durable.
Mais Poutine est-il aussi fort que ce qu’il donne à croire ? Et la Russie elle-même ne serait-elle pas son ennemi de l’intérieur ? Le vice ministre de l’Economie et directeur des prévisions économiques, Andreï Klepach déclare en avril que l’économie russe est quasiment à l’arrêt. Que la Russie dont le PIB par habitant en 2012 a atteint 14037 dollars est dans une « dynamique d’enfoncement ». Il anticipe une croissance de 1,1 % du PIB, basée sur une hausse des dépenses publiques et un assouplissement de la fiscalité, mais proche de 0,5 % sans ces deux facteurs, alors que les prévisions étaient d’au moins 2,5 %. D’autre part, les tensions internationales ont incité les investisseurs à fuir la Russie : prévision pour 2014 d’une perte considérable de capitaux de plus de 100 milliards de dollars, voir même 150 milliards si la crise ukrainienne s’aggrave. (70 milliards de dollars de capitaux russes sortis au 1er trimestre 2014). Suite à la fuite des capitaux, le rouble s’est fortement déprécié depuis le début de la crise ukrainienne, forçant la banque centrale russe à relever de 150 points de base son taux directeur, au risque d’étrangler encore davantage une économie russe déjà en panne de croissance avant même le déclenchement de la crise ukrainienne.
Les propositions du ministre : augmenter la dépense publique pour aller vers une croissance de 0,5 % du PIB et utiliser les excédents des revenus pétroliers pour stimuler l’investissement et financer le développement de la Crimée qui vient d’être annexée. Par ces faits, toutes les promesses de Poutine en 2012 pour son 3ème mandat, qui étaient basées sur un taux de croissance constant de 5 à 6 %, sont mises à terre.
Sergueï Gouriev, économiste, recteur de la Nouvelle Ecole d’Economie de Moscou et qui vient de fuir son pays pour s’établir à Paris, confirme cette analyse alarmante. «Le pouvoir russe, dictature opportuniste postmoderne, n’a pas vraiment offert de grande idée, il considère qu’il peut gérer le pays comme il veut et que les gens sont satisfaits parce qu’ils en retirent des bénéfices économiques. Or, ces bénéfices disparaissent. » Poutine n’ayant pas d’idéologie ne peut proposer un nouveau contrat social et se réfugie dans une aventure militariste, s’empare d’un territoire, fait donner la propagande et ça marche : sa popularité a fait un bond vertigineux. « Simplement, ça ne marchera pas longtemps parce que l’économie va le punir. » Les gens vont commencer à poser des questions à cause du rouble déprécié. Les classes moyennes, lorsqu’elles réaliseront que le contrat n’est pas rempli et les oligarques de son entourage, privés de sortie par les sanctions, pourraient se retourner contre lui. Et confirmer la prédiction du ministre allemand des finances : « Le moment impérial de la Russie ne sera que cela : un moment. »

GRAND MARCHE TRANSATLANTIQUE. Ce projet, s’il est accepté en l’état, est effrayant : il aurait pour conséquence de tout livrer au profit au détriment des 800 millions d’Européens et d’Américains. Ce serait la fin d’une agriculture de qualité et la disparition des petites exploitations. Les droits de la concurrence seraient au-dessus de la souveraineté des états. Les multinationales seraient hors des juridictions des états. Suppression des protections juridiques et judiciaires. Consommation en hausse des énergies y compris des énergies polluantes. Tout cela aurait un impact fort sur l’environnement, la santé.
L’Europe ne dit rien, la classe politique française ne dit rien. Pourquoi ? Xavier Bertrand : « Sujet pas médiatique. » Bruno Le Maire : « Sujet extrêmement technique mais il y a en effet un risque pour nos agriculteurs. » Xavier Danjean (Député européen UMP) : On a tort de se faire peur pour rien. Pour l’heure on discute, il n’y a pas l’ombre d’un accord, nous n’en sommes qu’aux discussions préparatoires. ». Les négociations sont secrètes, ne concernent pas les députés européens, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, négocie directement et on connait son ultra libéralisme.
Le Parti socialiste : en juin 2013, les socialistes avaient traité, étudié le projet. L’aile gauche a fait voter un amendement qui recommandait de refuser le Traité Transatlantique. Fin 2013, commission des résolutions et nouveau délibéré qui donne un nouveau texte : si le traité mettait en cause les intérêts économiques, stratégiques et le modèle social de la France et de l’Europe, les socialistes ne le signeraient pas.
Au sein du PS, il y a des opposants farouches : Liem Huang Ngoc qui a été désavoué par le parti et non reconduit à Bruxelles – Gérard Filoche qui affirme que la base du PS est opposée aux négociations.
Aucune éducation citoyenne autour de ce projet. Il n’est jamais bon pour un état de négocier dans le dos des citoyens. Et cela nourrit l’euroscepticisme qui progresse depuis le refus par referendum du Traité Constitutionnel européen en 2005 mais ratifié par le Parlement en 2007. Ne pas tenir compte de l’avis des Français est un déni de démocratie. Une vraie politique, une vraie remise en confiance demande que le débat citoyen, la réflexion s’installe.
MUNICIPALES. Progression de la droite et conquête de plusieurs villes par le FN. Un taux d’abstention de 38 % jamais atteint dans une élection qui touche directement les citoyens. La classe politique est discréditée. Quelles en sont les raisons ?
1) Politique nationale : à tort ou à raison on critique tout et n’importe quoi quel que soit le parti au pouvoir. Promesses non tenues, résultats pas ou peu efficaces, désaveu général du gouvernement. Pagaille dans l’esprit des citoyens.
2) Mise en cause de la classe politique dans son ensemble. Ecart entre les politiques et ce qu’attendent les citoyens. Pas de réponses aux questions ou réponses par des discours formatés tout prêts. Comportement d’autorité, de vérité que les politiques imposent, leur vérité faisant la loi, eux savent. Caricature de débats. Instrumentalisation de l’opinion pour décider de lois dans la précipitation, sur l’émotion des gens, ce qui valorise le parti qui propose la loi. Assez, les citoyens ne veulent plus de cette politique là !
3) Confusion entre les politiques de droite et de gauche.
Le FN : la même chose dans de nombreux pays européens, Espagne, Norvège, Pays-Bas, Hongrie et même Allemagne. Cela rappelle la situation de 1930.
Exemple de la Hongrie : depuis 5 ans, progression du gouvernement vers la droite extrême, sous l’influence de Viktor Orban. Ce dernier a été 1er ministre de juillet 1998 à mai 2002 et à nouveau depuis mai 2010. Ultra nationaliste alors qu’il a pris le pouvoir en tant que centre-gauche. En 2005, la Hongrie entre dans l’Europe et Viktor Orban se heurte immédiatement au pouvoir de l’Europe. Chômage, inflation, surendettement, croissance zéro, l’Europe dicte les contraintes de remboursement qu’Orban signe mais fait un constat lucide de l’impossibilité de s’en sortir malgré les efforts consentis. Depuis 3 ans il est en combat contre les banques et les entreprises, contre le FMI. Le 1er janvier 2013, il s’adresse à Bruxelles et aux Nations Unies. Il demande aux grandes entreprises de production d’énergie une baisse de leurs prix de 20 % et menace d’être en cessation de paiement. Les entreprises cèdent fin 2013. Il refuse de régler 3 parts de la dette sur 6. FMI, BCE et UE font une offre soit abaisser les allocations familiales et les retraites : refus catégorique et les instances cèdent début 2014. Il gagne haut la main les élections du 8 avril dernier : il mène une politique populiste qui paye. Mais comme il est nationaliste, il modifie la constitution pour avoir tous les pouvoirs : mise au pas de la presse, de l’information, de la justice. Incitation à la chasse aux Roms.

Louis insiste bien sur le fait que toutes les informations, les réflexions, les prises de position qu’il peut nous apporter sont les siennes et ce à quoi il croit. Son but n’est pas de nous convaincre de penser comme lui mais bien de nous donner des éléments pour nous inciter à chercher, à réfléchir et ainsi nous constituer notre propre opinion.

Louis Caul-Futy Françoise Surette