02 – IDENTITÉ ET DIVERSITÉ CULTURELLE EN EUROPE.

Guy SAEZ, Directeur de recherche émérite CNRS-PACTE-Grenoble.
17 octobre 2018 – 36 participants
La question de l’identité est une notion ambigüe : elle correspond à la fois à ce qui est le plus intime, notre identité et ce qui est le plus collectif, l’identité d’une nation. Que veut dire « être européen » ? Un même passeport mais qui nous renvoie à une grande diversité de « nationalités ».
Pour commencer, citons Claude Lévi-Strauss « Toute utilisation de la notion d’identité commence par une critique de cette notion ». En effet, c’est une notion complexe, son identité, l’identité d’un groupe, « Je est un autre » (Rimbaud), qui suis-je ? Que me renvoie-t-on de moi ? Notre identité biologique est unique et nous distingue les uns des autres, c’est notre identité génétique plus que sociale qui est utilisée pour l’ordre public. Qui détient ces banques de données sur nous, notre existence, notre génétique ?
Méthodologie.
Identité territoriale, concept géographique ambigüe. Des personnes n’ont pas de pays, de territoires, des communautés humaines ne sont pas souveraines. Comment matérialiser la communauté, par quel système social, par quelle logique symbolique : croyances, normes, règles, mémoire ? Quelles sont les racines des Français, sont-ils Gaulois, Romains ou Francs ? Pour répondre, il faut une construction nationale. Par quels moyens ? 1 – La cartographie, l’image de l’hexagone, les limites, les frontières ce que l’on ne peut pas faire avec l’Europe Unie qui est passée de 6 à 9 et à 28 pays. 2 – Le recensement pour la localisation des individus, par exemple avec les migrants qu’on peut cataloguer d’étrangers nés hors Europe.
Identité culturelle et affirmation nationale. Les musées, les collections, symbole de l’histoire, de la mémoire nationale, héritage que l’on inculque aux enfants. Par exemple une peinture de David représentant Léonidas aux Thermopyles ne signifie rien pour le peuple qui ne connaît pas l’histoire grecque mais l’assassinat de Marat par Charlotte Corday parle au peuple bien que le peintre rapporte un fait historique à la religion avec l’allure de piéta du tableau.
En Europe, il y a opposition entre les différentes cultures. Prenons la France et l’Allemagne. La France : Révolution française, universalité, humanisme, Droits de l’Homme pour tout le monde, éducation du citoyen, progrès. L’Allemagne : c’est le réel qui compte, pessimisme, individualisme, pas de croyance dans le savoir du maître mais plus de sensibilité, de spiritualité. Mais en 1810 Madame de Staël découvre en Allemagne le romantisme, la sensibilité des hommes qui n’ont pas peur de pleurer. Cela va influencer la France qui perd de son influence. Il n’y a pas d’irréductibilité des cultures mais toujours des influences les unes sur les autres.
La plupart des gens ne savent pas comment fonctionnent les institutions européennes, commission, parlement, cour européenne de justice, banque centrale … La Charte européenne des droits fondamentaux du 7 décembre 2000 parle de dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté … Mais que prendre dans l’histoire de l’Europe pour se sentir européen ? Les racines chrétiennes ? Influence chrétienne sur toutes les dynasties depuis le Moyen Âge, mais combien de guerres entre le pouvoir temporel, l’empereur et spirituel, le pape ! Dans beaucoup de cas, organisation des états par les institutions religieuses.
A la fin de la guerre de Trente ans, signature le 24 octobre 1648 du traité de Westphalie et naissance de l’Etat-Nation. Idée de frontières, bornage des territoires. Louis XIV donne sa forme à l’Etat-Nation, mais ces Etats-Nations n’ont pas mis fin aux guerres.
Politique culturelle de l’Europe. Dans tous les pays de l’UE, des livres d’histoire, des symboles déterminés représentent l’Europe. Il faudrait reconnaître la diversité culturelle. La culture n’est pas dans les textes fondateurs, des pays ne veulent pas contribuer financièrement à la culture. Alors on choisit la capitale européenne de la culture comme Marseille en 2013. Les villes et les citoyens jouent le jeu mais cette politique culturelle européenne représente peu d’argent, 1 milliard 640 millions d’€ – (En France, 3 milliards d’€) auquel il faut rajouter les fonds structurels européens (la moitié du budget) et sur ces fonds, 6 milliards vont à des projets culturels portés par les pays. En 2007, élaboration d’un agenda européen de la culture bien timide.
Déficit démocratique car les citoyens ne peuvent pas s’adresser aux institutions, les députés européens n’ont pas de visibilité. Aux élections, nous votons pour ou contre mais jamais pour quelle Europe nous voulons. Mais dire cela n’est pas suffisant. Les citoyens doivent demander plus de culture. 1 – La créativité devient une valeur fondamentale de l’individu. 2 – La société doit être plus participative pour éviter les replis identitaires, le communautarisme. 3 – Interculturalité, nous sommes dans un monde multiculturel. Notre culture est mondialisée, universelle, nous ne devons pas subir mais nous en emparer, être acteurs. Nous partageons des références culturelles, nous sommes omnivores, nous mangeons et digérons tout. Ce concept omnivore est inventé par le Brésil, par le Manifeste anthropophagique.

Suite aux questions du public. Erasmus : effet très important pour la France en matière d’apprentissage des langues étrangères et des métiers manuels. Parler de l’Europe dans les écoles, rappeler que c’est le résultat d’une catastrophe. Les transmissions de mémoire ne sont jamais faciles, il faut toucher à l’imaginaire, à la sensibilité. Faire de la liberté de circulation un bienfait et non pas un problème.