17 – LA GEOLOGIE AU SECOURS DE L’ARCHEOLOGIE.

Danielle DECROUEZ Directeur honoraire du Muséum d’Histoire Naturelle de la ville de Genève. 20 juin 2018
Apport de la géologie à l’étude de la nature et de l’origine des pierres employées par l’Homme dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Les archéologues peuvent ainsi déceler des faux et parfaire leurs connaissances sur les échanges commerciaux et les exploitations des ressources locales.

L’archéologie est la science qui travaille sur les traces laissées par l’Homme depuis la Préhistoire, pour étudier civilisation, mode de vie, santé, art, nourriture et qui permet de mieux connaître et comprendre les modes de vie des sociétés anciennes. Travail de biochimiste pour retrouver la nourriture, boissons, graines, pollens que nos ancêtres ingéraient. L’archéométrie, discipline scientifique qui met en œuvre des méthodes physiques ou chimiques pour étudier sédimentologie, botanique, archéozoologie, anthropologie et analyse les matériaux pour interpréter et dater des objets et des sites archéologiques.
Pourquoi rechercher les origines des matériaux des œuvres d’art ? Savoir d’où vient le marbre pour distinguer les faux, les copies, pour repérer les trafics. Pour restaurer et réassembler des œuvres. Pour connaître les échanges. Les archéologues trouvent toutes les roches qui forment la terre et la géologie donne accès à la connaissance des époques. Roches sédimentaires, roches magmatiques : roche blanche du Mont Blanc. Roches métamorphiques : marbre (Carrare). Ambre pour suivre la Route de l’ambre. Méthodes d’étude des roches : à l’œil nu et on identifie déjà pas mal de choses ; au microscope avec un échantillon, une lame, une pellicule de roche. L’Eglise de Contamines a été étudiée : mollasse, pierres de taille en calcaire de la Plaine des Rocailles, galets du bord de l’Arve, des matériaux trouvés sur place (13 et 14ème siècles). Marbre rose de La Vernaz que l’on retrouve dans des églises dans la région, à Genève, à Lyon, sous forme de bénitiers dans des églises de la Vallée d’Aulps ou de fontaine place de l’Hôtel de ville à Thonon-les-Bains. Marbre Brocatelle du Jura, agglomérat de calcaire et de coquillages, beauté des couleurs, violet, griotte, jonquille … se retrouve aux quatre coins du monde (cheminées, tables, sculptures). Calcaire du Crétacé, l’Urgonien du Massif des Bornes, du Massif des Bauges, du Salève, très blanc (construction).
Les marbres blancs : calcaire métamorphisé qui a subi de fortes températures et composé de grains calciques et de nombreux organismes. Utilisation pour les statues. Tous les marbres ne viennent pas du même calcaire. Il faut les analyser pour trouver tous les éléments de leur passé. Mais ces analyses sont destructrices car peu de matériel disponible. Ce qui engendre mauvaise connaissance du commerce, peu d’écrits, mauvaise interprétation car patine de la roche selon le temps. Inventaire des carrières impossible, certaines ont disparu, d’autres sont exploitées depuis l’Antiquité mais plus de traces du passé.
Comment analyser les marbres ? Travail sur de très petits échantillons de quelques millimètres. Etude de la texture : les grains qui peuvent déterminer les lieux d’origine mais prudence car des marbres en provenance de différents lieux se ressemblent. Mesurer les isotopes stables, carbone et oxygène et déterminer les neutrons et électrons. Au microscope, la méthode de cathodoluminescence soit bombardement électronique qui déclenche des couleurs et une image, le cathodomicrofaciès. Les couleurs sont fonction des éléments qui composent le marbre mais on n’a pas toutes les explications. Orange : Carrare. Orange + jaune : Grèce. Brun + bleu + orange : Turquie. Bleu : mer de Marmara, diffusé sur tout le pourtour de la Méditerranée (sarcophages) et découverte de bateaux coulés chargés de marbre. Brun + rose : Paros. Bleu sombre + vert + jaune : Samothrace (la Vénus de Milo) et Paros.
Approche géologique : suite à ces études sur les marbres, voyages en Grèce, en Italie, en Turquie pour établir une base de données mais aussi pour répertorier la formation géologique c’est-à-dire comment obtenir un marbre à partir d’un calcaire. Par exemple, déterminer les températures et les pressions qu’ont subi les calcaires (Phases métamorphises). Visite des carrières de l’Antiquité, Paros, Naxos, des carrières en exploitation, Athènes, Carrare. (Carrare achetée par les Chinois). Inventaire de tout l’art grec et romain du Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Des informations sur les dates des œuvres pour les archéologues qui confortent ou corrigent. Travail sur Gaza : Aphrodite ou Hécate avec Pan enfant. Travail à Beyrouth, les bébés d’Echmoun au Musée national.
Difficulté : un marbre qui a toutes les caractéristiques d’un Carrare peut faire naître un doute. Une statue découverte à Aphrodisias, site archéologique en Turquie, n’a pas de rapport avec le marbre trouvé sur place. Mais une découverte d’une nouvelle carrière près d’Aphrodisias dévoile le marbre donc est faite la statue.
Limites de la méthode : manque de quantification. Diversité des marbres en Turquie. Pas suffisamment de données internationales. Malgré cela, trouver les bonnes réponses aux questions des archéologues.