N° 13 – L ’EPIGENETIQUE : MOYEN MNEMOTHECNIQUE A VIE – ET AU-DELA

Johannes GRÄFF – Professeur de neuroépigénétique à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
17 février 2016 – 47 participants.
“Le domaine de l’épigénétique englobe des changements chimiques sur l’ADN qui peuvent à la fois être influencés par l’environnement et être inscrits sur notre matériel génétique à vie. Ainsi, ces changements définissent une plateforme moléculaire idéale pour incorporer tout ce que nous apprenons de façon permanente dans notre cerveau. Qui plus est, de plus en plus d’études démontrent que ces changements épigénétiques peuvent même être transmis aux générations à suivre par des mécanismes encore peu connus. Par conséquence, ce que nous vivons et apprenons influencerait non seulement notre vie mais aussi celles à suivre … ».

Originaire de St Gall. Etudes à l’Université de Lausanne. Thèse à Zurich. Boston pour de la recherche. Depuis 2013, professeur assistant à Lausanne
Epigénétique : en-dessus, sur les gènes. Gène = un bout d’ADN. James Watson et Francis Crick ont découvert un bout d’ADN. Un bout d’ADN traduit en une protéine, insuline, hémoglobine, prion. Tous les gènes = le génome contenant toutes les informations mais elles doivent être accessibles. Epigénétique = mécanisme d’ouverture = dé-compaction du génome. Mécanismes de fermeture = compaction du génome. 23 chromosomes qui contiennent toutes les informations de l’être humain. Les mécanismes épigénétiques règlent la compaction de l’ADN. Selon la nature chimique des modifications, l’impact sur la compaction de l’ADN sera différent.
Ouverture de la chromatique : lecture de gènes. Fermeture, pas de lecture de gènes. Donc les mécanismes de l’épigénétique règlent le taux de lecture des gènes. Importance dans le cerveau. 1984, Crick découvre comment ce que nous apprenons aujourd’hui nous nous en rappelons longtemps après : Voir le texte de Mémory and molécular turnover de 1984, sur les hypothèses de Francis Crick. La durée de la mémoire humaine est souvent une question d’années. La mémoire : flux d’information d’un neurone à l’autre, par les synapses. On peut mesurer ce flux d’information. Pour augmenter le flux : importance des mécanismes épigénétiques qui garantissent un flux d’informations entre les neurones de façon constante. Ces mécanismes règlent le taux de lecture
– 1 Mémoire gagnée : Etude de la mémoire chez la souris. Ivan Pavlov et ses études de conditionnement. On associe deux choses, mémoire associative = nourriture pour le chien associée à un bruit de cloche, il suffit de sonner a cloche pour déclencher la salive. Joseph Ledoux et ses travaux sur les souris : ses recherches sont axées sur le lien entre mémoire et émotion en particulier sur les mécanismes de la peur. Associer un environnement et un choc électrique, la souris aura peur dans l’environnement. David Sweatt : 1 h et 24 h après l’apprentissage des souris, il a mesuré l’abondance des protéines histone. C’est la 1ère fois qu’on découvre un changement épigénétique après un apprentissage. 30 jours après l’apprentissage, deux fois plus d’ADN méthylé, il y a bien changement épigénétique. Les changements épigénétiques permettent de lire plus facilement dans le livre de la mémoire. Mais les changements épigénétiques empêchent-ils d’ouvrir le livre de la mémoire ?

– 2 La mémoire perdue dans la maladie d’Alzheimer. Maladie neurodégénérative. Perte de la mémoire. Maladie terrible qui atteint 35 millions de personnes dans le monde en 2012. Une évolution rapide. Donc la question est : y a-t-il une contribution des mécanismes épigénétiques dans la perte de la mémoire ? Méthode avec une souris Alzheimer. Mutation génétique introduite : perte de neurones, perte de mémoire, même chose que chez l’homme. Y a-t-il une fermeture du livre de la mémoire ? Une augmentation d’une protéine qui influence la compaction d’ADN ? La protéine HDAC2. Oui, augmentation, abondance de cette protéine ce qui réduit les marques mnémotechniques et plusieurs gènes importants pour la communication deviennent silencieux. Sur cette souris, intervention génétique pour réduire la protéine HDCA2. En réduisant cette protéine, effectivement, la souris récupère de la mémoire. On fait le test de la plateforme, la souris normale fait le chemin normal pour retrouver la plateforme, la souris Alzheimer ne trouve jamais son chemin mais celle traitée avec les protéines diminuées, va retrouver le chemin de la plateforme. HDAC2 dans le cerveau humain : on va mesurer la quantité de cette protéine à chaque niveau de détérioration des capacités de la mémoire. Et on constate effectivement qu’il y a davantage de protéines quand la maladie d’Alzheimer est installée. Essais cliniques contre la maladie d’Alzheimer avec un inhibiteur de HDAC2.
– 3 Mémoire traumatique : l’accessibilité du livre de la mémoire peut être influencée par « la vie ». Chez des jumeaux identiques, le taux de méthylation d’ADN est presque identique vers l’âge de 3 ans. A l’âge de 50 ans, des différences. Travaux de Michael Meaney : soins maternels chez le rat, bonnes mamans et mauvaises mamans chez le rat. Différence aussi dans la nature comme en laboratoire. Quand les jeunes de la bonne maman grandissent ils sont très résistants, curieux, ont un comportement normal, les autres, stress, anxiété, signes de dépression. Chez les jeunes de bonnes mamans, moins de méthylation d’ADN, les autres plus de stress, d’anxiété, de signes de dépression. Et l’effet persiste à l’âge adulte. Des patients ont donné leur cerveau à la science et même conséquences chez les humains. Abus physiques, sexuels = dépression c’est vraiment du au changement épigénétique dans le cerveau. Ce changement laisse des traces. Travaux de Tim Oberlander : effet prénatal, qu’en est-il ? Estimation du taux de dépression chez les femmes enceintes, une mère dépressive = forte probabilité que le nouveau-né soit caractérisé par un taux supérieur de méthylation d’ADN. Nos expériences tôt dans la vie y compris la période prénatale, peuvent laisser des traces épigénétiques dans le cerveau, traces qui influencent notre vie.
4 – Mémoire à travers les générations. Travaux de Michael Skinner. Expérience avec des souris gestantes intoxiquées avec des pesticides USA. Il a croisé la lignée mâle et analysé la santé de la progéniture. Croisement jusqu’à la 3ème génération. Il constate des problèmes de santé chez la progéniture (tumeurs) . Des changements épigénétiques dans le sperme de la progéniture. Même effet suite à une exposition des souris nouveau-nées à un stress psychologique. Travaux d’Isabelle Mansuy : séparation d’avec la mère, croisement de la progéniture mais les générations suivantes ne sont pas exposées au stress ; Analyse de la méthylation de la progéniture. Importance de travailler avec la lignée mâle, dans la lignée femelle on risque d’affecter la génération des petits-enfants car les cellules germinales féminines sont déjà produites à la naissance. En étudiant le cerveau des prochaines générations, le stress psychologique laisse des traces épigénétiques dans le cerveau. Nos expériences tôt dans la vie laissent des traces mais ce sont des corrélations pas des preuves scientifiques. Héritage épigénétique suite à des changements environnementaux. Jean-Baptiste de Lamarck voir sa théorie sur la girafe mais celle-ci est à l’opposé de Charles Darwin qui dit que l’hérédité vient des mutations donc des changements directs sur l’ADN, et pas des influences de l’environnement. Aujourd’hui la théorie de Darwin reste prédominante mais celle de Lamarck est à démontrer. Et si les deux théories existaient ou s’influençaient ? Comparaison des changements épigénétiques et génétiques dans le sperme des chimpanzés et d’hommes = la plus grande différence génétique se trouve là où il y a aussi la plus grande différence épigénétique.

Une définition : La méthylation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) est un processus épigénétique dans lequel certaines bases nucléotidiques peuvent être modifiées par l’addition d’un groupement méthyle. Cette modification de l’ADN est effectuée par des enzymes particulières appelées DNMTs pour « DNA methyl-transferase ». Chez l’humain il en existe 4, Dnmt1 qui est une méthyl-transferase de maintien dont le rôle principal est de maintenir la méthylation sur les deux brins d’ADN lors de la réplication, Dnmt2 dont le rôle est encore incertain et DNMT3A et 3b qui partagent une forte homologie et dont le rôle principal est d’ajouter de nouvelles marques de méthylation sur l’ADN (on parle de « de novo DNA methyl-transferase »

Les traumatismes se transmettent de génération en génération. Les souris peuvent léguer les troubles du comportement causés par le stress à leur progéniture.