N° 03 – PENSÉES EN CHEMIN, MA FRANCE DES ARDENNES AU PAYS BASQUE

Axel KAHN -15 octobre 2014 – 250 participants.
Carnet de voyage d’une traversée haute en couleurs à la rencontre de la France d’aujourd’hui.
Axel Kahn, scientifique, médecin généticien et essayiste . Directeur de recherche à l’INSERM et ancien directeur de l’Institut Cochin, il a été également le président de l’université Paris Descartes (2007-2011). Il est surtout connu du grand public pour la vulgarisation scientifique qu’il fait depuis de nombreuses années et ses prises de positions sur certaines questions éthiques et philosophiques ayant trait à la médecine et aux biotechnologies, en particulier au clonage ou aux OGM, notamment en raison de son travail au sein du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de 1992 à 2004.
Quel plaisir de recevoir Axel Kahn, cet infatigable jeune homme de tout juste 70 ans, d’une énergie folle et d’un humour ravageur ! Et quel plaisir de l’entendre pour une salle enthousiaste et partante pour cette randonnée en France.
Il passe ses premières années à la campagne, chez sa « nounou » et rejoint sa famille à Paris à l’âge de 5 ans. Habitué des randonnées en famille il a toujours marché et pas moins de 15 jours chaque année. Des rencontres et notamment celle de cet handicapé qui, dans le froid et le mauvais temps, au cœur du Massif central et en réponse à son étonnement de le voir affronter cette épreuve, lui dira « Chacun choisit sa vie ». En 2011 c’est la fin de son mandat universitaire et le moment de se mettre en chemin soit de « Choisir sa vie ».
En 2013, Axel Kahn prend le chemin en quête de beauté : incroyable émotion, réelle impression de bonheur, longue phase poétique. Partir seul, mais partager ses émotions, un paradoxe dans un monde individualiste. Un blog permet de suivre ses aventures au jour le jour. L’itinéraire et le programme ont été décidés à l’avance avec des rencontres, des rendez vous. Cette médiatisation ne le met pas sous pression et pour lui, quel bonheur de rencontrer lors de ces étapes des centaines de personnes.
Certaines régions ne sont plus que des déserts, les Ardennes, la Lorraine, la Marne … C’est une réalité qu’il voit et mesure. Comment en sommes-nous arrivés là ? Et pourquoi d’autres régions se portent-elle mieux ?
Cette marche sera donc pour Axel Kahn un émerveillement devant la beauté de la nature, ciel, vent, paysages, devant le génie humain, devant les animaux. Des instants magiques qui portent au sublime, larmes de joie. C’est aussi la rencontre avec les gens et là, bien des anecdotes car l’humanité est ce qu’elle est, pas toujours bienveillante.
C’est aussi une découverte sociologique de notre pays, un état des lieux. Par exemple des Ardennes à Decazeville, des gens en cessation par rapport aux discours convenus : déficit, dette, mondialisation … ils regrettent le temps passé, c’était mieux avant. Le présent est un effondrement, le passé est idéalisé et l’avenir est pire que le présent. Ils, c’est-à-dire les autres, Paris, le monde, les élites… deviennent les responsables et eux ont l’impression de ne plus rien contrôler. Autre exemple, en Champagne, pays des vins, certains villages sont très riches mais se vivent comme les derniers privilégiés et s’imaginent qu’on en veut à leurs valeurs. Par exemple, dans une région où il n’y a pas d’étrangers, pas d’insécurité, un village riche vote à 41,5% pour le FN et un village pauvre juste à côté à 40,5%. Ils communient dans un même rejet, ils ont peur et ne font plus la part des choses.
Mais en face de cette crainte de l’avenir de cette déploration du passé, qu’offrent les politiques ? Les politiques ne peuvent imaginer un avenir désirable, seul le FN propose un retour vers le passé et ces populations en cessation suivent ces promesses par l’insuffisance des propositions des partis républicains. Donner des perspectives de développement du territoire, c’est la seule solution. D’ailleurs, des régions vont mieux, comme la Bretagne qui ne compte que 5 à 7% de chômage. Le Sud Ouest va mieux avec l’agriculture, les universités, l’aéronautique. Certaines régions sont très dynamiques.
Ce qui compte c’est d’être fier de son territoire, de naissance ou adopté. En connaître l’histoire et en être fier. C’est d’être capable de ressentir un véritable sentiment d’appartenance. Pour les régions très sinistrées, le pire est certain, mais en s’appropriant leur histoire elles créent des communautés plus fortes, pour mieux résister à la crise. Leur exemple pourrait être appliqué à la France : créer des communautés d’intérêts et de devoirs.
« Tout ce que j’escomptais de cette grande traversée du pays s’est produit, très au-delà même puisque la liberté du marcheur solitaire m’est sans doute devenue indispensable. De plus, l’exercice m’a permis d’accéder à la réalité de la France et de ses habitants comme jamais auparavant. J’ai par conséquent la passion de ce qu’il vient de s’accomplir, j’ai aussi la capacité physique de le renouveler. Rien ne peut par conséquent me dissuader d’en faire l’axe de ma vie pour les années qui viennent, tant que j’en garderai le désir et les moyens ».
Axel Kahn est donc reparti en mai 2014 de la pointe du Raz en Bretagne pour arriver à Sospel, Castellar et Menton. Une autre aventure que nous pouvons suivre en lisant son livre de voyage intitulé « Entre deux mers, voyage au bout de soi ».
Notre soirée s’est poursuivie par une dédicace des livres présentés par la Librairie Chapitre et par le partage d’un buffet. Un grand merci aux bénévoles qui ont travaillé pour le succès de cette rencontre.