N° 15 – GAZA, PRISON A CIEL OUVERT

Soha BECHARA Membre de « Palestine : Filmer c’est Exister ». 15 avril 2015 – 42 participants.
1,2 millions de Palestiniens réfugiés sur une bande de 360 km2. 850 000 sont dépendants des aides humanitaires. Comment vivre à Gaza ?
Grandir dans la guerre civile … Prendre les armes à vingt ans … Tirer sur le général de l’Armée du Liban Sud … Survivre à dix ans de cachot dans l’enfer de Khiam … pour les Libanais Soha Béchara est le symbole vivant de la résistance. Aujourd’hui elle vit à Genève et poursuit ses engagements de résistance pour la cause palestinienne.

Gaza est un sujet qui parle à beaucoup mais que l’on connaît mal. Elle-même n’est jamais allée en Palestine, elle n’est pas professeur ni spécialiste mails le sujet lui parle et pas seulement parce qu’elle-même est arabe.
6300 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes mais à Gaza, c’est toute une population qui est en prison. Depuis 2005, 1 700 000 personnes sont à Gaza et la situation humanitaire se détériore de plus en plus. Depuis 2005, guerres incessantes. Depuis 2005, l’occupation israélienne a réduit ce territoire à un champ d’expérimentations militaires, avec les armes testées sur un terrain vivant. La technologie militaire, le savoir-faire sont valorisés sur Gaza, drones, blindés, véhicules sans pilote … Le bilan humain est très élevé, morts, blessés, handicapés à vie.
Avant 2005, il y avait six portes de sortie, aujourd’hui, il n’en reste que deux, une pour l’Egypte et l’autre pour Israël. Mais on ne sort pas comme on veut par une de ces portes, on ne peut pas sortir sans autorisation. La Palestine est le seul pays dans le monde entier qui ne peut pas établir de passeport pour ses ressortissants. A Gaza on ne peut pas fuir la guerre pour se mettre à l’abri. L’Egypte contrôle la porte vers son territoire et détermine ceux qui ont le droit de l’emprunter. Soha a connu des guerres civiles au Liban, elle sait l’angoisse des mères pour trouver un abri pour leurs enfants. Et donc en temps de guerre, impossible de s’enfuir par les terres. Et par les airs ? Il y a bien eu un aéroport à Gaza, inauguré le 24 novembre 1998 en présence de Yasser Arafat et de Bill Clinton et financé par l’Egypte, le Japon, l’Arabie Saoudite, l’Espagne et l’Allemagne. Il a été détruit par l’aviation israélienne en 2001, la piste d’atterrissage en janvier 2002 et la seule piste qui reste, près de Khan Younès ne peut être utilisée suite à l’embargo imposé par Israël donc l’espace aérien, ça ne marche pas. Et par la mer ? L’espace maritime autorisé pour Gaza était de 20 miles nautiques, de 12 miles en 2012 et à ce jour il est réduit à 2 miles. Même les pécheurs sont pris pour cible, il est donc impossible de s’enfuir par la mer.
Les marchandises : tout ce qui entre à Gaza provient d’Israël, nourriture, médicaments … par une seule porte. Depuis 2014, la nourriture qui arrive ne couvre que la moitié des besoins de la population suite aux restrictions imposées par Israël. 850 000 réfugiés ont besoin de l’aide alimentaire pour survivre. Les seules protéines sont celles fournies par les conserves. Les habitants dépendent totalement d’Israël pour l’approvisionnement. Pour l’électricité également : Israël dit couvrir 75 % des besoins mais seulement 120 mégawatts sur les 360 qu’il faudrait (pour les hôpitaux par exemple) sont assurés. Cela représente 6 heures d’électricité par jour. Les Gazaouis se servent de générateurs mais pour les faire marcher il faut du fioul dont l’approvisionnement est soumis à Israël, et pour les réparer, il faut des pièces détachées et pour cela des autorisations d’Israël. Pour tout, les habitants sont dépendants de l’humeur, de la charité, du bon vouloir des Israéliens. Depuis des années, l’eau est non potable, c’est une catastrophe humanitaire, sanitaire et écologique. Pour l’eau aussi, la solution passe par Israël.
Israël a construit un mur le long de sa frontière avec Gaza, avec des miradors, des soldats en armes. Impossible de fuir même sous les bombardements, pas d’autres solutions que de rester sur place. En contrôlant tous les espaces, Israël a fait de Gaza une prison à ciel ouvert dans laquelle les prisonniers ne sont pas en sécurité. Les tunnels sont les derniers espaces, le dernier rêve de liberté mais sur 300, seulement 10 ont résisté à la destruction par les bombardements. Quand on est prisonnier, on rêve de tunnel ou on meurt. Le nouveau président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, est plus restrictif et ce qui parvient à passer par les tunnels est minime par rapport aux besoins.
Comment créer, à partir d’un territoire morcelé, un état palestinien ? Avec Gaza d’un côté, la Cisjordanie d’un autre côté et une route entre les deux, contrôlée par Israël, cela paraît bien difficile.
Les subventions internationales, après les élections de 2006 qui ont donné le pouvoir au Hamas, ont été suspendues (ONU – UE) et de nombreuses attaques ont eu lieu. Une punition injuste qui touche les habitants.
Comment traiter les crimes contre l’humanité ? L’Europe n’est pas prête à accepter cette justice car elle est malgré tout complice de Benyamin Netanyahou qui se fait passer pour la victime.
L’économie d’Israël est basée en partie sur l’armement et l’aide des USA, à vie et sans intérêt. Israël vit grâce à la guerre. Comment continuer dans cette situation ? Jusqu’où ? Jusqu’où et jusqu’à quand les pays qui nient les aspirations des peuples, Israël, Arabie Saoudite, Iran … pourront faire perdurer ces situations ?
Au Liban, on ne connaît pas le nombre de réfugiés palestiniens qui y vivent, les gouvernements n’ayant jamais fait de recensement. Ils sont victimes de discriminations : 72 métiers leur sont interdits. A l’école, on n’apprend pas l’histoire de la Palestine., La gauche soutient les Palestiniens mais il n’y a jamais eu d’action, de manifestation en faveur des Palestiniens. La société est raciste, aucun parti politique n’est à la hauteur.
Pourtant les Palestiniens ne sont pas dans la haine, une histoire est possible.

Pour aller plus loin, pour réfléchir, un livre : Histoire populaire de la résistance palestinienne
de Mazin Qumsiyeh – Chercheur en génétique et professeur aux Universités de Bethléem et de Birzeit. Après avoir enseigné aux États-Unis, le docteur Mazin QUMSIYEH est président du Centre palestinien pour le rapprochement entre les peuples. Figure importante de la résistance populaire dans laquelle il prend une part active et qu’il organise, il collabore également avec de nombreux mouvements pacifistes de la société civile, et a publié plus de 1 000 articles dans des journaux, des livres et sur l’Internet.

Les livres de Soha Béchara : Résistante et La fenêtre