LA RÉVOLTE DES CAMISARDS 1702 – 1710

LA REVOLTE DES CAMISARDS  1702 – 1710

Jean Pierre MICHAUD

7 novembre 2012   –   27 participants

En 1598, lorsque Henri IV signe l’Edit de Nantes, il pense ramener la paix civile et religieuse dans son royaume. Erreur … En dépit de cette volonté d’apaisement, l’intolérance demeure et dès la mort du roi, en 1610, sous la pression des Assemblées d’un Clergé demandant d’ «extirper l’hérésie », elle devient largement dominante.

C’est donc en toute certitude que Louis XIV, convaincu des vertus du catholicisme et des mérites d’une religion d’état, révoque l’Edit de Nantes par l’Edit de Fontainebleau (15 octobre 1685) Pour les protestants français, il n’y a plus de place dans leur propre pays …

Mais en 1702, les paysans des Cévennes, privés de liberté de conscience, se révoltent et prennent les armes : ainsi commence la « guerre des Camisards » (1702- 1710).

Longtemps, pour des raisons diverses, cet évènement est resté enfoui dans la mémoire collective. Il faut attendre la Révolution française pour que ce premier combat pour la liberté de conscience trouve son épilogue dans la Déclaration des Droits de l’Homme. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?

C’est en spécialiste de cette histoire oubliée que Jean Pierre Michaud partage sa passion avec nous. Et notre curiosité et intérêt ne seront pas déçus !

Les Camisards (de l’occitan languedocien « camisa », chemise, ou aussi de « camisade » attaque de nuit) sont les paysans huguenots, protestants français de la région montagneuse des Cévennes. Ils y avaient trouvé refuge après les persécutions qui suivirent la révocation par Louis XIV, en 1685, de l’édit de Nantes qui garantissait la liberté religieuse. Les temples protestants ont été détruits, les pasteurs exilés. Des laïcs prennent la relève, les prophètes qui parlent des assemblées clandestines sous l’inspiration de l’Esprit. Face à la répression sanglante, ces prophètes appellent à la révolte. L’évènement déclencheur est, le 24 juillet 1702, l’assassinat de l’abbé du Chayla au Pont-de-Montvert. Le prophète Abraham Mazel a reçu une « inspiration divine » lui enjoignant de libérer les huguenots emprisonnés et torturés par l’abbé. S’en suit une importante rafle dans les Cévennes. Le 28 juillet 1702, trois probables auteurs du meurtre de l’abbé sont exécutés. D’août à décembre 1702, plusieurs combats se déroulent, combat de Champdomergue, du Vallon de Témélac, où Gédéon Laporte, premier chef militaire des camisards trouve la mort et où un jeune se fait remarquer par son courage, Jean Cavalier. Le 27 décembre 1702, les camisards prennent Sauve dans le Gard. L’année 1703 est une succession de combats gagnées ou perdus, de villages conquis ou abandonnés, de morts catholiques et protestants. 12 janvier combat du Val de Bane (le capitaine catholique Poul y trouve la mort. Les camisards perpétuent le massacre de plusieurs villages catholiques : Fraissinet-de-Fourques le 21 février – Valsauve le 4 juillet – Potelières le 12 septembre – Saturargues et Saint-Sériès le 20 septembre. Ils subissent aussi des défaites : Vagnas le 10 février – Pompignan le 6 mars – à Mialet et Saumane, arrestation de tous les habitants protestants et déportés à Perpignan les 27 et 29 mars – Massacre au moulin de l’Agau à Nimes le 1er avril – Enfin, du 30 septembre au 14 décembre, c’est le brûlement des Cévennes par les troupes royales commandées par me maréchal Julien. En septembre est prise la décision de dépeupler les hautes Cévennes. L’année 1704 verra la défaite des camisards : février, une insurrection camisarde dans le Vivarais est noyé dans le sang – le 14 mars, Jean Cavalier écrase les troupes royales à Martignagues mais est battu à Nages le 16 avril – 12 mai, pourparlers de paix au pont d’Avènes près d’Alès entre Cavalier et Lalande – Fin mai trêve, les camisards se retirent à Calvisson mais dissension entre les chefs au sujet de l’arrêt des hostilités –  21 juin, départ de Cavalier avec une poignée de fidèles et fin aooût ils gagnent la Suisse – 13 août, mort de Rolland – 1er octobre, Joiny et Salomon Couderc se rendent – 8 octobre, La Rose, Marion et La Forêt se rendent, les principaux chefs camisards se rendent en Suisse – le 31 décembre, l’un des derniers chefs camisards, Françoise Salles dit Salette se rend. En janvier 1705, seuls Ravanel et Claris ne se sont pas rendus Ils sont traqués par les soldats royaux et manquent du soutien  de la communauté protestante. On peut dire que la guerre des camisards est terminée mais il y aura encore des soubresauts et des tentatives de nouvelle insurrection jusqu’en 1711. En mars 1705, plusieurs chefs camisards revenus en France sont exécutés. Avril 1705, le « Complot des Enfants de Dieu » est déjoué et les principaux acteurs exécutés (Ravanel et Catinat). 25 juillet 1705, spectaculaire évasion d’Abraham Mazel avec 16 compagnons, Ils partent en Suisse. 3 mars 1706, exécution de Salomon Couderc alors qu’il rentrait en France. 7 mai 1706, le camisard Fidel Abric est abattu. Juin 1706 le prophète Moïse Nicolas est exécuté. En  novembre et décembre 1706, plusieurs camisards sont exécutés. Le 27 avril 1707, jean Cavalier est grièvement blessé à la tête de son régiment camisards à la bataille d’Almanza en Espagne. En mars 1709, Mazel revenu en France tente de soulever le Vivarais mais l’insurrection est écrasée le 8 juillet 1709. En 1710, il prépare un nouveau soulèvement en Cévennes et Bas-Languedoc avec Claris et Corteiz mais le 14 octobre il est tué près d’Uzès et Calris est fait prisonnier et exécuté. Le 11 mai 1711, Joiny est abattu à son retour en Cévennes. 8 juin 1711, Jean Pierre Buis, dernier chef survivant de l’insurrection du Vivarais est exécuté (Il avait été enlevé en Suisse). Louis XIV meurt le 1er septembre 1715. Jean Cavalier meurt le 17 mai 1740, Major Général et Gouverneur de Jersey, à Chelsea.

Qui sont ces camisards qui mettent en échec les troupes de Louis XIV, une des meilleures armées d’Europe ? Des paysans ou artisans cévenols répartis en petites troupes par région avec des cadres permanents et des soldats occasionnels. Leurs chefs sont pour la plupart très jeunes et n’ont aucune formation militaire. Leur parfaite connaissance du terrain et le soutien de la population rendent cette guérilla  efficace. La violence est extrême tant du côté camisards que de celui des troupes royales qui vont jusqu’à brûler des villages entiers. Le pays est mis à feu et à sang. Cette guérilla a une seule visée : rétablir la liberté de culte.

Ce premier combat pour la liberté de conscience annonce d’autres combats qui trouveront un épilogue dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, signée le 10 décembre 1948, à Paris, par 58 états membres de l’Assemblée générale.  Le préambule ci-dessous aurait pu être approuvé et signé par les camisards : «  Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité et que l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. L’Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’homme comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations …

Bibliographie

Les camisards – La légende des camisards : une sensibilité au passé de Philippe Joutard

Les Fous de Dieu de Jean-Pierre Chabrol

Comprendre la Révolte des camisards de Marianne Carbonnier-Burkard

Mémoires du colonel Cavalier sur la guerre des camisards de Jean Cavalier et Pierre Rolland

Abraham Mazel, le dernier camisard de Jean-Paul Chabrol

Les camisards et leur mémoire 1702-2002. Colloque du Pont-de-Montvert des 25 et 26 juillet 2002. Collectif  de Patrick Cabanel et Philippe Joutard.

Filmographie

Les Camisards : film de 1971 de René Allio (le DVD trouvé par Michel  Rioche est à disposition chez Françoise Surette