« DECHIRURE … VERS LA SÉRÉNITÉ »

                                           Michèle VIGNALI

        Ancien professeur de psychologie à la Haute Ecole de Travail Social à Genève.

31 octobre 2012 – 28 participants

 Un témoignage intime à résonance universelle : un cœur rend hommage à une mère qui a perdu sa fonction de mémoire et s’en va. En redonnant sens à l’histoire, l’amour de la vie va l’emporter sur la blessure de l’âme et ouvrir le chemin de la gratitude. Un parcours de fille en prise avec la complexité des sentiments d’impuissance et de culpabilité dans le devoir d’accompagnement d’un parent âgé. Les thèmes suivants seront abordés : – Les difficultés concrètes et relationnelles rencontrées sur le chemin du maintien à domicile, du placement en institution et de la confrontation à la fin de vie. – L’analyse du bouleversement intérieur de cette traversée. – Les différents moyens mis en place pour tenir dans l’effort en préservant son indépendance et sa santé. – Le sentiment de solitude présent tout au long du chemin et la recherche d’aide. – Les rituels de deuil pour atteindre la rive de la sérénité. Au travers de cette expérience personnelle, chacun est susceptible de se reconnaître, de près ou de loin, dans l’épreuve du vieillissement et de la séparation.

Pourquoi écrire ce livre ? Ecrire dans la souffrance, dans les périodes difficiles, écrire pour guérir. L’idée de faire un  livre de ces écrits éparpillés est venue de l’envie de transmettre une expérience, d’aider. La couverture, des pas dans la neige, l’ombre au pied de la montagne, la lumière au sommet, représente le cheminement, au travers de la mémoire, vers la lumière et la sérénité. Cette déchirure et le chemin vers la sérénité, Michèle le ressent comme un passage entre trois rives, celle de la blessure à l’âme, de la révolte contre l’inéluctable, celle de la gratitude et de la paix et celle du témoignage, de l’enseignement, de la transmission. Il y a tout d’abord ce que Michèle appelle « la galère du maintien à domicile ». Il faut entrer en accompagnement comme dans un nouveau métier, apprendre les multiples démarches, la gestion du quotidien, des traitements, des périodes d’hospitalisation. Affronter la désorientation, les difficultés relationnelles et affectives, la culpabilité de devoir diriger sa mère contre sa volonté. Il faut faire un effort très important pour se représenter la perte de la mémoire et dans quel désarroi la personne se trouve. Assister à la dégradation d’une mère c’est se confronter à sa propre image inversée, c’est se voir dans un miroir. On prend des initiatives pour sa mère mais elle ne veut rien, n’a envie de rien et on a le sentiment de ne rien faire de bien. Comment la protéger en respectant sa vie privée, sans la bousculer ? Il faut s’efforcer de considérer la personne et non pas la malade. Pour l’accompagnant les nuits sont perturbées, les soucis s’accumulent, la vie est bouleversée. Il faut tenir pour soi et pour la personne, il est très important de se ressourcer, de trouver de l’aide.

Vient le moment de la réalité cruelle de la fin inéluctable et c’est l’enfer de la décision du placement en institution. Arracher une mère à son environnement, contre sa volonté, c’est un crève-cœur et une grande responsabilité. On pense faire pour le mieux, trouver la solution la moins pire mais toutes les explications sont oubliées dans l’immédiat et on se retrouve avec sa culpabilité et le sentiment d’être une mauvaise fille, le sentiment de faire son malheur en voulant son bien. Dans les EHPAD, la famille est confrontée au manque de moyens financiers, au manque de personnel. L’important est de faire un partenariat entre la personne, les soignants, la famille.

Malgré toutes les bonnes volontés, les effets du placement sont désastreux : état psychique dégradé, dépression mais il faut faire la part de responsabilité du placement et de l’évolution de la maladie.  Pour l’accompagnant, le placement est un répit illusoire car les visites peuvent être pénibles : la personne en perte de mémoire oublie qui est venu la voir, ne sait pas pourquoi elle est là,  se sent abandonnée, perdue, fait des reproches, est quelquefois méchante, pleure … « Je n’avais jamais vu ma mère pleurer. Elle a toujours pudiquement retenu ses larmes et surtout, a toujours montré sa nature joyeuse et légère. J’éprouve une grande douleur à la voir pleurer. Assister à son mal-être dans une impuissance totale m’est une torture. Ce deuil à petit feu me restera une blessure à l’âme. Comment la consoler avec douceur quand il est tentant pour moi de me réfugier dans une attitude dure et froide afin de me protéger du ressenti de la voir si malheureuse ? ».  Enfin, il faut prendre la décision de vider l’appartement, quelquefois lieu de sa propre enfance, de sa jeunesse. Faut-il l’informer, garder le secret, le faire de son vivant ?

Le troisième temps c’est quand la maladie avance. Il faut alors accepter de ne plus reconnaître sa  mère, son regard, son allure,  accepter qu’elle n’éprouve plus aucun bonheur.  Accepter sa propre impuissance, trouver de nouvelles formes de communication, accueillir l’aide, déléguer, reconnaître qu’on ne maîtrise pas tout. Il est important de s’adapter à la parente, ce n’est pas à elle de s’adapter à nous. Cette maladie d’Alzheimer nous confronte au néant, accompagner une personne est une grande leçon d’humilité. L’’épreuve transforme. Marcher, respirer, garder le goût de vivre, parler, écrire, sortir de soi la révolte, la culpabilité, l’impuissance et ressentir enfin une immense gratitude pour notre mère qui nous a mis au monde pour être ce que nous sommes.

Une très belle soirée que nous a offerte Michèle VIGNALI, femme lumineuse, sincère et forte, avec de nombreux témoignages émouvants et drôles, comme la vie en somme. Une belle leçon d’humanité.

Le livre « Déchirure … vers la Sérénité » est publié par les Editions Elzévir et disponible à la libraire Chapitre à Annemasse