DANY LAFERRIERE « TOUT BOUGE AUTOUR DE MOI »

Marie Claude TERRIER

Membre du Café Littéraire de Lucinges.

22 mai 2013    –   20 participants

Marie Claude nous a proposé une discussion autour du livre autobiographique de Dany LAFERRIERE 3Tout bouge autour de moi ».

Le 12 janvier 2010, Dany LAFERRIERE se trouve à Port-au-Prince lors du très violent tremblement de terre. Un an après, il décide de témoigner de ce qu’il a vu et il écrit « Tout bouge autour de moi ».  Sans pathos,  sans lyrisme, il décrit l’horreur mais aussi le sang froid des Haïtiens. Que reste-t– il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forêt de gens remarquables.  L’écrivain fait vivre un peuple jamais docile ni passif, jonglant dans l’espace et le temps, la méditation et le quotidien, le rêve et la sensation brute. Un hommage au peuple haïtien.

Qui est Dany Laferrière ? Il naît à Port-au-Prince le 13 avril 1953. Il passe son enfance à Petit-Goâve avec sa grand-mère Da (un des personnages marquants de son œuvre), où sa mère, Marie Nelson, l’envoie vers l’âge de quatre ans par crainte qu’il ne subisse des représailles de la part du régime de François Duvalier (Papa Doc), en raison des idées politiques de son père Windsor Klébert Laferrière (maire de Port-au-Prince, puis sous-secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie), alors en exil. À onze ans, il retourne vivre avec sa mère à Port-au-Prince, où il fait ses études secondaires. Il devient ensuite chroniqueur culturel à l’hebdomadaire Le Petit Samedi Soir et à Radio Haïti-Inter. Le 1er juin 1976, son ami journaliste Gasner Raymond, alors âgé de vingt-trois ans comme lui, est assassiné par les Tontons Macoute. À la suite de cet événement, craignant d’être « sur la liste », il quitte de manière précipitée Haïti pour Montréal, n’informant personne, à l’exception de sa mère, de son départ. En 1979, il retourne pendant six mois à Port-au-Prince et y rencontre Maggie, sa conjointe avec qui il a eu trois filles – la première (Melissa) est née à Manhattan, où vivait alors Maggie, les deux autres (Sarah et Alexandra) sont nées à Montréal.

Lors de son arrivée à Montréal en juin 1976, il habite rue Saint-Denis et travaille entre autres dans des usines, jusqu’en novembre 1985, date à laquelle est publié pour la première fois un de ses romans, intitulé Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, qui lui donne une visibilité immédiate dans les médias et qui sera adapté pour le cinéma par Jacques W. Benoît en 1989, en plus d’être traduit en de nombreuses langues. Par la suite, il travaille pour diverses stations de télévision en tant que chroniqueur, ainsi qu’en tant qu’annonceur météo, tout en continuant son activité d’écriture à saveur autobiographique. À partir de 1990, il vit à Miami avec sa famille en poursuivant son travail d’écriture, puis il se réinstalle à Montréal en 2002. À l’été 2007, il propose une chronique matinale sur Radio Canada (vers 8h15). Il est maintenant chroniqueur à l’émission de Marie-France Bazzo, Bazzo.tv, où il occupe le poste d’éditorialiste. Le mercredi 4 novembre 2009, il reçoit le Prix Médicis pour L’Énigme du retour. Laferrière se trouvait en Haïti lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Son épouse a reçu un courriel de l’écrivain affirmant qu’il était sain et sauf1. Il est rentré à Montréal où le 17 janvier il était honoré en étant nommé la Personnalité de l’année 2009 au Gala Excellence La Presse/Radio-Canada2. Dany Laferrière écrit avec son cœur, son sang, ses émotions. Il écrit pour le peuple, en petites scènes, petits tableaux très réalistes. Il a vécu la catastrophe en direct et il décrit ce qu’il a vu en images puissantes, les morts, les blessés, la misère, la précarité, le désespoir mais ce tableau d’enfer cache une autre réalité. Foule disciplinée, actes de bravoure, de générosité, sens du partage, sang froid des survivants, énergie folle et aussi cette spiritualité qui fait que vivants et morts se frôlent, se côtoient. Le béton est tombé mais la fleur a survécu. Et n’est-on pas plus libre lorsque l’on possède moins de biens matériels ?

L’écrivain, dans ses écrits, cherchent les traces de son passé, cherche ses racines. Il parle des réalités de ce pays tant malmené, la faim, la dictature, la misère, la violence, l’exode des jeunes, des paysans. Mais il laisse voir aussi la beauté de son île, les jeunes filles, les enfants, les paysages, l’espoir, le courage. Une belle leçon d’humanité. 

Cette soirée a été l’occasion d’échanger non seulement sur l’écrivain et son livre mais aussi sur l’histoire d’Haïti, les coutumes, l’art (la peinture naïve), la poésie, la musique, la langue. Un pays si pauvre et qui, malgré toutes les difficultés, fait vivre sa culture, survit grâce à sa culture, c’est un pays qui force notre admiration.