BIENHEUREUX PIERRE FAVRE, ITINERAIRES DANS L’EUROPE DE LA RENAISSANCE. SAVOIE 1506 – ROME 1546

Monique FILLION

Présidente des « Amis du Val de Thônes »

6 MARS 2013  –   24 participants

Le thème retenu pour le 43° Congrès des sociétés savantes de Savoie « La Savoie et ses voisins dans l’Histoire de l’Europe »  ramène à l’esprit de Monique ses souvenirs d’enfance, quand elle adressait ses prières à Bienheureux Pierre Favre, né comme son père à Saint Jean de Sixt, au Villaret et qu’on disait membre de la famille.

Pierre FAVRE est né en 1506 dans une famille de bergers mais au sein de laquelle  on essayait de promouvoir la culture et la recherche. A 10 ans il rentre à l’école de Thônes et son oncle,  le prieur de la Chartreuse du Reposoir, constatant combien cet enfant est surdoué, l’encourage à rejoindre le collège de La Roche l’année suivante. Il se lie d’amitié avec Claude Jaïs de Mieussy. Il rejoint ensuite, à 19 ans,  le Collège de la Sainte Barbe à Paris où il  fait la connaissance d’autres étudiants étrangers comme Saint François Xavier et Ignace de Loyola. Pierre Favre devient le 1er bachelier ès arts en janvier 1530 et obtient sa licence au mois de mars. En 1534 il se consacre aux Exercices Spirituels  enseignés par Ignace de Loyola et devient le 1er prêtre de la future compagnie de Jésus. Le 15 août 1534 il reçoit les vœux de ses nouveaux compagnons. Ce vœu de Montmartre marque la naissance de la future Compagnie de Jésus dont les membres fondateurs sont Ignace de Loyola, Pierre Favre et François Xavier.

Ignace de Loyola, François Xavier, Pierre Favre, Claude Jaÿ, Diego Laynes, Simon Rodriguez et Alfonso Salmeron font le vœu de partir en Terre Sainte et de 1536 à 1537 ils vont sillonner l’Europe à pied ou à dos de mulet, pauvrement vêtus, le chapelet en sautoir et rejoindront Venise en passant par Meaux, Saint Nicolas de Port, Strasbourg, Bâle, Constance, Bolzen, Trente, Bassano. Ils arrivent à Venise le 15 janvier après avoir voyagé dans de très rudes conditions. Pierre Favre et ses compagnons veulent aller en Terre Sainte mais ne trouvent aucun bateau en ces périodes de guerre. Ils demandent à être reçu par le Pape à Rome et sont autorisés à partir en Terre Sainte. Ils reviennent à Venise dans l’attente d’un bateau mais les conflits politiques qui font rage entre François 1er et Soliman II le Magnifique ne permettent toujours pas la navigation en Adriatique et en Méditerranée. Pendant deux mois, ils rédigent un document « Prima Societatis Jesu instituti summa »  dont l’approbation par le Pape permettra la fondation de la société des jésuites.

Sur ordre du Pape, Pierre Favre et Diego Laynez accompagnent le Cardinal Saint Ange à Parme, ville appartenant depuis 1512 aux états Pontificaux mais où l’hérésie fait de grands progrès. En 1540 Pierre Favre est le 1er jésuite à mettre pied en Allemagne,  au colloque de Worms en Rhénanie, colloque qui devait tenter de résoudre théologiquement le conflit  entre Rome et les disciples de Luther. En janvier 1541,  il rejoint Spire où il rencontre le Duc Charles III de Savoie. Charles III de Savoie qui venait de perdre la majeure partie de ses terres et se rendait à la diète de Ratisbonne en Bavière, capitale de l’Empire de Charles Quint, pour demander l’appui de son suzerain. Charles III prend Pierre Favre comme confesseur, et leur relation est si confiante que Pierre Favre le considère comme son fils spirituel. En 1541 Pierre Favre accompagné de Don Pedro d’Ortiz et de son équipage rejoint la Savoie. Il s’arrête au château d’Alex à Arenthon où  il obtient la guérison du fermier du château. Puis à Saint Jean de Sixt il guérit une vieille tante par la ferveur de ses prières. Il continue sa route vers l’Espagne mais en passant par Nantua l’équipage est arrêté et emprisonné durant 7 jours. Ils repartiront sans qu’une rançon ne soit exigée.

Le groupe passe par Montserrat, Saragosse et arrive à Madrid en octobre 1541. A la cure de Galapagar Pierre Favre réalise l’aide que lui apporte sa dévotion pour les saints et les anges et va honorer tous les saints, grands et petits : Saint Marcel, Saint Denis, Sainte Geneviève, Saint Bruno, Saint Armand et le bienheureux Jean d’Espagne et aussi Saint Claude très populaire en Savoie (il y avait même un pèlerinage organisé de savoyards pour Saint Claude dans le Jura) et les anges.

En 1542, le Pape lui demande de retourner à Spire en Rhénanie Palatinat où il restera 18 mois. Il mène en Allemagne une intense activité et accomplit de nombreuses missions et déplacements pour Charles Quint. Il rencontre Pierre Canisius un très grand professeur jésuite et rédige des instructions pour les pèlerinages. D’ailleurs, il marche au rythme des pèlerins et fera par exemple le parcours de Mayence à Aschaffenbourg, en 2 jours soit environ 25 à 30 km par jour.

Les grands pèlerinages étaient alors des phénomènes internationaux, « le signe d’une solidarité européenne et spirituelle » pour Pierre Favre et il fit de nombreux pèlerinages en particulier ceux des célèbres vierges noires Notre Dame de Lorette en Italie, Notre Dame de Montserrat, Notre Dame de Guadalupe en Espagne ainsi que ceux des grands saints : Assise, Saint Antoine de Padoue et Saint Jacques de Compostelle. En 1543, Pierre Favre rejoint Anvers en vue d’une mission au Portugal. Il fait étape à Louvain. (L’université de Louvain était célèbre en Europe et elle accueillera dès 1550  des élèves savoyards les plus méritants). A Louvain il obtint la guérison d’une jeune religieuse. Il tombe malade saisi de fièvre tierce et reste deux mois dans cette ville.

De Louvain il rejoint Cologne en janvier 1544. Il y fonde une maison pour les Jésuites et y restera jusqu’en juillet,  date à laquelle il reçoit l’ordre de repartir au Portugal avec des reliques : 7 têtes de martyrs. Il arrive à Lisbonne en août 1544. Il est reçu par le roi du Portugal Jean III le Pieux puis il va à Coimbra où un célèbre collège de Jésuites réunissait des étudiants venus de toute l’Europe.

Il part pour l’Espagne, passe par Salamanque, et à la cour d’Espagne à  Valladodid,  il rencontre Don Philippe,  prince d’Espagne fils de Charles Quint, empereur et roi des Espagnes à qui il offre une tête, une des 7 reliques. Le 8 mai 1545,  il arrive à Madrid affaibli, malade, mais malgré tout rayonne encore dans toute la région. En janvier 1546, il rechute et restera infirme de la main gauche. Malgré cela il quitte Madrid pour rejoindre Valence puis Gandie pour rencontrer le duc François Borgia, arrière petit-fils du Pape Alexandre IV, et d’autres jésuites. Il pose la 1ère pierre de la 1ère université jésuite. Le 5 mai, il rentre à Valence puis à Barcelone. Une nouvelle mission l’attend au concile de Trente comme théologien pontifical et bien qu’il soit mal guéri  il gagne Rome le 17 juillet après 25 jours de mer. Il y retrouve Ignace de Loyola. Le 22 juillet, la fièvre reprend et il meurt le 1er août 1546. Il a été enterré sous l’autel de l’église Notre-Dame-della-Strada – Notre-Dame-de-la-Route, tout un symbole !  Cette église fut inondée. Une autre église dédiée à Ignace de Loyola a été construite à la place. Ses restes n’ont pas été retrouvés. Pierre Favre a été béatifié en 1872. Reste une question : pourquoi cet homme n’a-t-il pas été sanctifié ? Il a raconté le récit de ses voyages dans un livre intitulé Mémorial.

En conclusion Monique nous propose cette citation de Abd-al-Malik sur France 3 lors de l’émission « Chabada » du dimanche 27 février 2011 « Finalement voyager vers les autres c’est voyager vers soi-même »                         Texte de Maryse SUBILLA

 

Livre de Monique FILLION : Bienheureux PIERRE FAVRE. Itinéraires dans l’Europe de la Renaissance    (Savoie 1506 – Rome 1546)     Collection Amis du Val de Thônes, n°30

 

Le monde de demain se construit l’un avec l’autre

et non pas l’un contre l’autre.


Cheikh Khaled Bentounes