LES NOUVEAUX VISAGES DES INEGALITES EN FRANCE AUJOURD’HUI

Qu’est-ce qui justifie cette inquiétude sourde, ce sentiment largement partagé d’une société de plus en plus inégalitaire, au point de nourrir un sentiment de colère, d’indignation, devant des situations perçues comme de plus en plus injustes ? L’étalage dans la presse de quelques rémunérations « obscènes » ne suffit pas à l’expliquer. S’agit-il d’un sentiment ou d’une réalité objective qui signifierait que l’on s’éloigne de ce qui est l’essence même de la démocratie ?
Si ce n’est pas seulement un sentiment, comment expliquer alors que les inégalités de situations semblent s’accroître alors qu’on ne cesse de progresser sur le plan de l’égalité des droits (des femmes, des enfants, des homosexuels, des malades et même des animaux) ?
Comment les inégalités de revenus et de patrimoine ont-elles évolué avec la crise ? Faut-il adhérer à la thèse d’un « retour des rentiers », les revenus du patrimoine progressant plus vite que ceux du travail ? Ou bien l’hypothèse d’une fracture générationnelle est-elle valide, les inégalités opposant de plus en plus des vilains « vieux », privilégiés, à des pauvres jeunes, confrontés aux pires difficultés à leur entrée dans la vie active et condamnés à un déclassement inexorable par rapport à leur parents, « pour la première fois dans l’histoire » ?
Que s’est-il passé à l’école de la République au cours de ces 30 dernières années ? Depuis un siècle – et cela semble toujours faire consensus – on lui a confié une mission cachée : permettre de révéler les talents et, ce faisant, offrir la chance à ceux qui ne sont pas « bien nés » de briser les chaînes qui les attachaient depuis des millénaires à leur condition d’origine. Que d’efforts n’a t-on pas consentis pour que les destins ne se jouent pas totalement au berceau…
Pourquoi alors, ce sentiment d’échec, cette impression désagréable qu’en dépit d’une inflation de diplômés et d’une indéniable massification de l’enseignement, l’école de la République ait échoué dans cette mission, en ne triant pas seulement sur la base du mérite et des talents, en fabriquant même de l’exclusion et de la souffrance ?
N’est-ce pas un mythe qui est en train de se fissurer sous nos yeux, celui de l’égalité des chances et de la méritocratie, rendant impérieuse une tentative de reconstruction d’un nouveau pacte social ?
PLAN DETAILLÉ
Introduction
I/ LE RETOUR DES HERITIERS ET DES RENTIERS
A/ Une pyramide des revenus étirée
B/ La concentration des patrimoines
C/ Anciens clivages et nouvelles fractures
II/ L’ÉCOLE, LE BERCEAU ET LE MÉRITE
A/ Triste état des lieux
B/ Comment expliquer la persistance d’une forte inégalité des chances ?
C/ L’effondrement d’un mythe
Conclusion
QUELQUES LECTURES CONSEILLÉES (puisque nous n’avons pas abordé quantité d’aspects)
Sur les inégalités en général et l’évolution des classes sociales (point que nous n’avons pas eu le temps d’aborder)
L’excellent site de l’observatoire des inégalités, à partir des données de l’INSEE : http://www.inegalites.fr/
Philippe Steiner, Les rémunérations obscènes. Le scandale des hauts revenus en France, Paris, Zones, 2011, 150 p
L’excellent site « Pour une révolution fiscale de Camille LANDAIS, Thomas PIKETTY et Emmanuel SAEZ. Une partie de leurs travaux disponibles en accès libre et le fameux simulateur de réforme fiscale… : http://www.revolution-fiscale.fr/
CHAUVEL, Louis., Le destin des générations, structure sociale et cohortes en France au XXe siècle, PUF, Paris, 1998
CHAUVEL, Louis, Les classes moyennes à la dérive, Seuil, coll. « La république des idées », 2006
MAURIN, Eric, L’égalité des possibles. La nouvelle société française, La République des idées / Seuil, 2002.
MAURIN, Eric, Le Ghetto français. Enquête sur le séparatisme social, La République des idées / Seuil, 2004.
MAURIN Eric et GOUX Dominique, Les nouvelles classes moyennes, La République des idées / Seuil, 2012.
SUR L’ÉCOLE
Parmi l’abondante littérature sur l ‘école, on lira avec profit ces ouvrages ou ces articles sur le net, parfois perturbants :
PEUGNY, Camille, Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, ed. Seuil-République des idées, Mars 2013. (un interview en Avril 2013 sur www.inegalites.org)
DURU-BELLA, Marie, L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie, Seuil, 2006
DURU-BELLA, Marie, Le mérite contre la justice, Les presses de Sciences Po, coll Nouveaux débats, 2009
DUBET, François VÉRÉTOUT Antoine, Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale, Seuil, 2010
POULLAOUEC, Tristan, Le diplôme, arme des faibles. Les familles ouvrières et l’école, La Dispute, coll. « L’enjeu scolaire », 2010, 147 p.
Sur le site http://www.democratisation-scolaire.fr/, voirr notamment l’article de J.P. TERRAIL sur « 10 idées reçues sur l’école » : http://www.democratisation-scolaire.fr/spip.php?article95
Revue « Regards croisés sur l’économie » numéro 12 (février 2013) de la (publiée par La Découverte).
De passionnants articles également sur le site de la Vie des idées :
http://www.laviedesidees.fr/Classes-sociales-et-inegalites.html
et sur le site de « regards croisés sur l’économie », en particulier celui-ci : http://www.rce-revue.com/?A-quoi-sert-l-ecole
Les « fondamentaux » sur l’école :
BOURDIEU, Pierre, PASSERON Jean Claude, Les Héritiers, 1964 et
BOURDIEU, Pierre, La Reproduction, 1970
(un résumé ici : http://www.scienceshumaines.com/bourdieu-et-l-ecole-la-democratisation-desenchantee_fr_14187.html)
BOUDON, Raymond, L’Inégalité des chances, Paris, Armand Colin, 1973 (publication poche : Hachette, Pluriel, 1985).
Sur l’analyse que fait (que faisait !), un résumé de ses positions est disponible ici :
http://skhole.fr/les-causes-de-l-inégalité-des-chances-scolaires-par-raymond-boudon